BÉBERT D’ACIER

 

 

Albert Féraud (Bébert pour les intimes) est l’un des premiers utilisateurs du matériau récupéré. Après avoir été l’un des jeunes sculpteurs les plus doués pour l’expression classique (il fut Premier Prix de Rome de sculpture), il se détourna de ses premiers succès pour se jeter à corps perdu dans l’innovation. L’acier inoxydable fut la fée de cet Enchanteur Merlin. Il prenait une ou plusieurs tiges d’acier, les sciait, les soudait au chalumeau jusqu’à obtenir d’elle une ductilité extrême, les assemblait selon son projet longuement étudié ou brusquement improvisé, en faisait une magnifique table basse, une dentelle spatiale et aérienne, l’impressionnant monument en arc de cercle représentant l’entrée du Général Leclerc à Paris (en face de l’Hôtel Concorde-Lafayette), une nymphe ailée, un poulpe des profondeurs – de toute façon un rêve puissant et délicat. Ses très nombreux amis se réunissaient chaque samedi chez lui pour déjeuner à la fortune du pot. Tous l’aimaient, aimaient cet art alors totalement inédit que lui dictait son inspiration. Et moi-même, outre sa liberté d’inspiration et son audace, je l’aimais aussi pour sa gaîté.