Extrait de « La Méditerranée entre les deux consciences », in Hermès défenestré, éditions José Corti, 1997

Oui, ils se trompent lourdement, ceux qui croient que plus la Méditerranée se trouvera affaiblie, plus ses idéaux seront dévastés, plus ses populations épuisées, plus vite s’établira, à travers cette zone tourbillonnaire enfin neutralisée, si essentielle aux liaisons de la planète, la civilisation aseptisée et sans charme que beaucoup, langages codés et informatique aidant, appellent de leurs voeux.

C’est pourquoi le salut de la Méditerranée – il convient de le dire et de le redire avec force – est le salut de tous, et d’abord de ceux qui spéculent sur sa mort.

Interpénétration des cultures et dialogue des valeurs, brassage des ethnies, approche mystérieuse des langues l’une de l’autre comme amoureux et amoureuse la nuit, déversement dans le trésor de tous des idées et des sentiments de chacun, on n’a pas trouvé mieux jusqu’ici pour améliorer son humanité. Améliorer en soi l’humanité, c’est là peut-être définition de l’humanisme. Si la Méditerranée a un rôle à jouer dans le monde de demain, celui du troisième millénaire, c’est de rappeler inlassablement cette leçon durement par elle apprise et devenue, par la force des choses, l’objet central de son enseignement – de son rayonnement -, à savoir que l’homme est la question et qu’il est, aussi bien, la réponse, et que c’est l’homme aussi le trajet, le difficile et dangereux trajet, mille embûches et cent pièges à chaque pas, entre la question et la réponse.