DICTIONNAIRE DES LETTRES FRANÇAISES
 Le XXe siècle
« La Pochothèque », Le Livre de Poche, 1998
par Pierre Brunel

Né le 28 septembre 1929 à Beyrouth, il a été formé par l’enseignement de Gabriel Bounoure, à qui Stétié essayiste rend volontiers hommage : sa manière pénétrante, incisive parfois, n’est pas éloignée de celle de son maître, dont il partage l’immense culture, augmentée d’une double formation linguistique et littéraire L’Ouvraison (Corti, 1995), Hermès défenestré (Corti, 1997) constituent le point d’aboutissement d’une méditation ample et profonde Répondant a l’affirmation de Hölderlin :
« C’est poétiquement que l’homme habite cette terre », Stétié voit dans les « errants » ceux que « la poésie habille et habite, et c’est la terre ».

Dès son premier texte, écrit vers l’âge de dix-huit ans : Le Voyage d’Alep (Les Cahiers de l’égaré, 1991), Stétié quitte son pays natal,  » ce Liban d’eau froide et de mer bleue « , qu’il va représenter à l’étranger, d’abord comme délégué permanent auprès de l’UNESCO, puis comme ambassadeur aux Pays-Bas et au Maroc.
Il est significatif pourtant qu’il ait choisi de résider en France et, au fur et à mesure que les années passent, on sent dans son œuvre que la poésie pure l’emporte sur une poésie du terroir ou une poésie engagée.
Sans doute le premier recueil, L’Eau froide gardée (Gallimard, 1973), évoque-t-il, sobrement, le Liban, ses femmes, sa lumière, sa vocation à la souffrance. Mais, dans Inversion de l’arbre et du silence (Gallimard, 1980), ou dans L’Autre Côté brûlé du très pur (Gallimard, 1992), l’élément l’emporte sur LE génie du lieu dit : l’arbre, l’herbe, la terre le nuage, le ciel composent un paysage. réduit à une épure, comme s’il était passé par on ne sait quelle ordalie purificatrice. Peut-être est-ce la condition pour parvenir « au sein de l’être », sans le moindre recours a un quelconque platonisme des Idées, mais par le fait même d’exister.
Yves Bonnefoy a salué en Salah Stétié « le désir d’une vigilance » et « la foi dans une parole de poésie ». Comme pour le poète de Douve, le sens passe par le simple, mais ce simple ne se réduit en rien au simple grammatical. Stetié pro-cède volontiers par oxymore (« l’été de neige ») sa poésie est « obscure obscurément par transparence ».
Aussi peut-elle paraître difficile aux non-initiés. Aimant à se définir lui-même comme « l’homme du double pays », Stétié est moins l’homme des deux rives, comme l’Orphée de Rilke, qu’un poète de la vie. Cette vie reste inséparable pour lui du monde méditerranéen, pour lequel il milite, et d’une chaleur humaine qui est une garantie supplémentaire de plénitude