Le jeudi 14 février, Salah Stétié donna une conférence à Montpellier avec Jean Blot (auteur d’un livre sur Moïse), à l’Université Paul Valéry, sur le thème Mahomet & Moïse
Étiquette : mahomet
S’est tenu le jeudi 13 décembre 2001 à 19h30 une conférence/débat entre
JEAN BLOT et SALAH STÉTIÉ
animée par Jean Mouttapa, sur le thème :
MOÏSE ET MAHOMET, DEUX PROPHETES POUR UN SEUL DIEU ?
Forum 104 – 102 bis, 104 rue de Vaugirard, 75006 Paris
in L’Express, 14 décembre 2000.
Un Mahomet inattendu nous arrive en ce temps de l’avent et du ramadan.
Non pas à dos de chamelle, ni sur un fringant coursier, mais livré à domicile, en 360 pages, par un poète ayant pris l’habit du biographe, et qui s’amuse en passant de nous rapporter le peu d’amabilité du Coran pour les poètes : «Ils sont suivis par ceux qui s’égarent.» Ou encore : «Ils divaguent dans chaque vallée.» Un portrait est venu d’une ancienne place forte d’Afghanistan, autrefois occupée par Alexandre et pilonné il y a peu par les taliban, Herat, orne la couverture du livre.
Salah Stétié se tient à l’entrée de son livre comme à la porte de sa maison, quand Beyrouth était encore Beyrouth. Il murmure un vers de Claudel en guise de bienvenue : «Ô Dieu qui est en moi plus moi-même que moi», cite le nom de Massignon, qui exprime à lui seul, disait Aragon, un grand désir de réconciliation entre le juif, le mahométan et le chrétien, «comme une image de l’humanité future».
L’auteur se présente d’un mot – «humaniste» – et confesse s’être lancé dans cette aventure sur les pas de Lamartine, qui écrivit Une vie de Mahomet dans son Histoire de la Turquie, pour saisir à son profit «une possible image […] bien amarrée (en lui et en dehors de lui) comme un aimant à ses épingles de fer».
Voici donc l’histoire d’un homme, Mohamed (570-632), rien qu’un homme, berger puis caravanier de son état, aimant «les femmes, les parfums et la prière». C’est la nuit (en Orient, la nuit est toujours la saison de la parole), sous les astres brûlant froid de l’Arabie, dans le désert qui enserre La Mecque, qu’une voix lui dit : «Lis !» On pense au «Tolle ! Lege !» de saint Augustin, à cette différence essentielle que Mohamed est illettré (en état d’enfance propre à recevoir l’illumination, disent les exégètes français). La voix appartient à Dieu le Très Généreux et le livre que que l’inculte est appelé à déchiffrer est celui qu’il reçoit sous la dictée divine. La révélation dure pendant vingt-deux ans. Le Coran (récitation, lecture et prédication) contient l’ensemble des messages transmis d’en haut par l’ange Gabriel, «en langue claire arabe», ainsi élevée au rang de langue sacrée. Mohamed est invité à les communiquer à ses semblables.
Avec lui, les Arabes ont enfin trouvé leur prophète, «un prophète ethnique, écrivait Michel Hayek, originaire des Nations qui n’ont pas reçu d’écriture». Mohamed se place dans la lignée d’Abraham. Il continue Moïse et Jésus. Chef d’un petit groupe de fidèles, devenu chef d’état, briseur d’idoles, législateur, guerrier, époux de quelques femmes, dont Khadija et Aïcha, le premier musulman de l’Histoire fonde la troisième religion monothéiste, qui compte aujourd’hui un milliard de fidèles, soit le sixième de l’humanité . Mohamed, «illettré majeur», est sorti du désert au bon moment, quand les patriarches de l’Orient chrétien se déchiraient et que les hommes pieux d’Arabie commençaient à se lasser d’adorer des pierres. La terre entière s’est ouverte «au déploiement de sa signature».
L’Orient du pétrole et des fanatismes a remplacé celui des fins sublimes. L’islam est devenu une «citadelle assiégée». «Assiégée par les autres, mais surtout par lui-même», écrit Stétié. A Alger, au Caire, à Kaboul, il est confisqué par des prêcheurs de guerre et des lanceurs de poignard. Et tout autour de Jérusalem, la ville trois fois sainte, à Gaza et dans les territoires occupés, l’Histoire a rompu le pain de la haine.
C’est sur ce fond d’incertitude tragique («Un Orient sans sagesse, un Orient sans force, un monde sans bonheur», disait déjà Morand) que Salah Stétié a voulu inscrire son Mahomet, «prophète ravagé par le dire de Dieu et ployé sous sa dictée». Un poète écrit sa fidélité à la foi de son enfance, à la lampe de ses parents, qui brûle sans que le feu la touche. Il «refuse de quitter le navire», mais embarque pour des navigations spirituelles ses amis Vigny, Bataille, Rimbaud et Maître Eckart. Il n’oublie pas non plus la Schéhérazade des Mille et Une Nuits.
Son dernier mot ? Lumière.