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Participe au colloque « Poètes en guerre », BNU de Strasbourg 29/01/15

Colloque international

29-31 janvier 2015 – Auditorium de la BNU

Entrée libre dans la limite des places disponibles

organisé par la Bibliothèque nationale et universitaire et la Faculté des lettres de l’Université de Strasbourg, avec le soutien du Consulat général de Russie.

lyreguerre

 

Programme

29 janvier : Première journée

13.30 – 14.00 : Ouverture du colloque par :

Albert Poirot, administrateur de la BNU
Michel Deneken, 1er vice – président de l’Université  de Strasbourg
Béatrice Guion, directrice de l’Equipe d’Accueil « Configuration Littéraire »

14.00 – 15.00 : Des poètes et la guerre : table ronde
Animée par  Jean-Yves Masson (poète et traducteur, professeur de littérature comparée à l’Université Paris 4)
Avec la participation de : Salah Stétié, poète et diplomate libanais ; Stephen Romer, poète et traducteur anglais ; Michèle Finck, poéte et traductrice française ; Olga Sedakova, poéte et traductrice russe  
 
15.00  – 17.30 : Poésie et guerre : regards croisés  
Présidé par Jean-Noël Grandhomme (Université de Strasbourg)
Nicolas Beaupré (Université de Clermont-Ferrand) : « Au front : littérature et poésie combattante de la Grande Guerre »
Olivier Henri Bonnerot (Université de Strasbourg) : « Ceux qui tiraient dans les étoiles… »
Jean-Pierre Rioux (historien, inspecteur général honoraire de l’Education Nationale) : « Eté 14 : Péguy en pantalon rouge »
Pause
 
18.00 : visite guidée de l’exposition 1914, la mort des poètes à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, en compagnie de ses commissaires Julien Collonges, Jérôme Schweitzer et Tatiana Victoroff 
 
20.00 : soirée poétique « La bataille de partout : les poètes face à la violence de l’Histoire »  (salle Pasteur, Palais universitaire).
Entrée libre dans la limite des places disponibles. 
 

30 janvier : Deuxième journée 

10.00 – 12.30 : Poètes en dialogue : Péguy, Stadler, Owen
Présidé par Xavier Hanotte (Ecrivain et traducteur)
Maryse Staiber (Université de Strasbourg) : « De Péguy à Stadler : un cas de transfert culturel dans l’Europe d’avant-guerre »
Jennifer Kilgore-Caradec (Université de Caen) : « Blessures profondes dans l’œuvre de Péguy, Stadler et Owen »
Charles Fichter (germaniste, professeur agrégé) : « Stadler, Péguy et la guerre »

14.00 – 18.00 : Dialogue entre les arts et la  guerre
Présidé par frère Remy Vallejo (centre Emmanuel Mounier)
Maurice Godé (professeur émérite de l’Université de Montpellier) : « Les poètes et la Grande Guerre dans les revues expressionnistes allemandes Der Sturm, Die Aktion et Die Weißen Blätter  »
Sophie Aymes-Stokes (Université de Bourgogne) et Brigitte Friant-Kessler (Université de Valenciennes) : « Entre traces et mémoire : illustrer la poésie de la Grande Guerre »
Tatiana Victoroff (Université de Strasbourg) : « Mystère et guerre. Charles Péguy et Richard Brunck de Freundeck »
Gilles Couderc (Université de Caen) : « Wilfred Owen, poète de guerre : la construction du mythe dans les arts »
Franck Knoery (Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg) : « La blessure et la chute. Une iconographie du héros de guerre dans les arts graphiques, autour du premier conflit mondial »

19. 30 : soirée poétique au Consulat de Russie à Strasbourg : lecture par Olga Sedakova de ses poèmes (en russe et en français).
Dans la limite des places disponibles, inscription obligatoire : vanessa.brosius@gmail.com ou tél : 06 61 82 40 48

 

31 janvier : Troisième journée 

9.00 – 13.00   Mort(s) symbolique(s) : postérités des poètes
Présidé par  Jérôme Roger (Université de Bordeaux)
Anne Mounic (Université Paris 3) : « Poètes de la Grande Guerre : le germe d’une pensée du singulier »
Yann Tholoniat (Université de Lorraine) : « Du corps poétique au corps politique dans les poèmes anglais de la Grande Guerre (Brooke, Sassoon, Owen) « 
Claire Daudin (Association L’Amitié Charles Péguy) : « La mise en récit de la mort de Péguy (Barrès, Bernanos, Geoffrey Hill) »
Géraldi Leroy (professeur émérite de l’Université d’Orléans) : « Péguy, « définition exacte » du patriotisme »
Tatiana Taimanova (Université de Saint-Pétersbourg) :  » Péguy sur la toile russe en 2014″
 
14.00-16.00 : Postérités et traductions : table ronde
Animée par Maryse Staiber (Université de Strasbourg) et Anne Mounic (Université Paris 3)
Avec la participation de : Xavier Hanotte (écrivain et traducteur d’Owen en français), Philippe Abry (traducteur de Stadler), Maurice Godé (professeur émérite de l’Université de Montpellier),  Elizaveta Legenkova et Liudmila Chvedova (traductrices de Péguy en russe), Daniel Aranjo (Université de Toulon).

Saïd Akl in L’Orient Littéraire 12/14

Saïd Akl en route vers la voie lactée

Par Salah Stétié in L’Orient Littéraire décembre 2014
2014 – 12
Saïd AklSaïd Akl n’avait que deux amours dans sa vie : le Liban et la poésie. Du moins, c’est dans ces entités qu’à ses yeux résidait l’objet d’amour, yeux qu’il avait très bleus, amandes de lumineuse Méditerranée cueillies à même le ciel de Méditerranée, peut-être en région de cèdres.
Saïd, que j’aimais, promenait théâtralement dans la vie un aspect mousquetaire – visage léonin, crinière ébouriffée, front haut, nez fort, voix ample et grave sortie de la grotte intérieure – qui, au lieu de le desservir, ajoutait à son aura de poète qui semblait accompagner le plus naturellement du monde sa démarche conquérante comme si c’était là l’espace même dont il avait besoin pour respirer, pour parler, pour réciter emphatiquement son poème qui s’imposait à son auditoire fasciné comme la voix même du djinn qu’il portait en lui. En lui, c’est-à-dire au plus profond de la grotte intérieure que j’ai évoquée. Cette grotte était l’endroit diamantin où résidait le secret de ce rêveur, l’un des plus repliés sur eux-mêmes qui fussent. Énigme de l’homme qu’il était, d’une complexité saisissante, énigme de cette parole transparente et raffinée, claire et noire où se love, chez lui, certes, mais aussi chez les plus subtils parmi les créateurs de toute nature, le serpent de l’ambiguïté.
Je parle de serpent et de dangereux silence. Il y avait un profond silence à l’origine de l’inspiration et de la profération de Saïd. Un mystère, un beau mystère. Celui, toujours le même –  insistons-y –, de l’amour. Et dans le cas de Saïd Akl le symboliste, il y a, en effet, un épanouissement éclatant de la parole d’amour, mais parole comme absentée d’elle-même, portée par un mirage aérien et tout de charme – le charme évanescent des choses demi-mortes et devenues comme lointaines et vaines. On lit ce poète, notamment dans sa meilleure époque, celle de Rindala, recueil majeur, pour boire une eau de source promise par la langue, chacun de ses mots précieusement choisi, chaque regroupement de mots comme tiré par un long étirement d’archet, musique diaphane en decrescendo d’échos et de vocalises.
« Une bouche, rêvée par des fleurs ?/ Couleur : illusion lunaire ?/ Regard, et c’est l’univers glissant dans le crépuscule ! »
Rien qui pèse. Rien qui pose. Mesure extraite d’un vague piano par la dernière phalange des doigts du poète. Que cherche-t-il à exprimer à mi-voix ? Quel secret existentiel ?
AklSaïd Akl est beaucoup moins cristallin quand il s’exprime en prose, une prose drue, qui évoque les problèmes du Liban dans des chroniques politiques pour lesquelles le poète était sollicité par des hebdomadaires grand public et qui faisaient mouche ; prose qui évoque les plus hauts moments de l’histoire de notre pays en d’autres chroniques qui donnaient à leurs lecteurs le droit de respirer largement et de dresser la tête. Parfois aussi, rarement, propos dérivants comme ceux où il lui est arrivé de faire l’éloge d’Israël en sa qualité supposée de parangon des vertus de l’Occident que le polémiste dressait face à l’Orient arabe démissionnaire. Il y avait chez cet inconditionnel d’un Liban pur et tranchant un homme de l’extrême-droite. Tant pis pour nous et paix pour lui qui désormais vole au-dessus de ces chimères.
Le comediente/tragediente qu’était aussi parfois, souvent, le poète si novateur en sa matière (subtile et scintillante matière), cet acteur-là ne détestait pas d’exercer sa forme d’autorité sur des consciences et des imaginations moins machinées et moins complexes que les siennes. Il s’acquit une forte autorité par une certaine forme de prophétisme un peu délirant, mais convaincu et convaincant, qu’il pratiqua dans la presse populaire libanaise des années 60 et 70 et jusqu’au seuil des années noires de la guerre civile où il choisit, frappé sans doute au cœur par ce grand sinistre déballage qui n’avait plus rien d’un jeu gratuit, lors de la mise en scène, chaque jour plus déployée, de l’atroce guerre civile.
Saïd Akl donc se méfiait des Arabes dont il était pourtant l’une des icônes créatrices admises et vénérées, hautement reconnue pour sa forme de modernisme poétique restée contenue dans le cadre d’une évolution nécessaire et le maître de toute sa génération (il était né en 1912), cela face, notamment, à la langue des derniers venus (Adonis, Youssef el-Khal, Badr Chaker as-Sayyab, Ounsi el-Hajje et quelques autres) : des casseurs ! Haïssant de plus en plus les « pays-frères » et les « nations-sœurs » qui, chaque jour davantage, s’apprêtaient à s’impliquer – le plus souvent négativement – dans nos « événements » que leur immobilisme ou leur activisme ont beaucoup contribué à amplifier, il prit sur lui de leur tourner définitivement le dos. Saïd qui déjà avec son beau recueil Yara s’était éloigné de l’arabe classique au bénéfice de l’arabe dialectal libanais, suivant en cela les pas de cet initiateur que fut le merveilleux Michel Trad, écrira son subtil et souriant « Plus belle que toi ? Non ! » et autres fantaisies plus légères et mordorées qu’ailes de papillon des Tropiques. Il nous fit rêver. Il tordit quelquefois notre cœur d’émotion. Il ajouta ainsi de la mélancolie à notre violente dépression, contribuant paradoxalement à l’atténuer. Le voici aujourd’hui qui s’en va, quittant son Liban avec sur les épaules, comme un châle point usé, un siècle de poésie. Je serre contre mon cœur le fantôme que je crois radieux de cet aîné. En regrettant de n’avoir pas réussi à percer le secret de son poème au sein duquel ses mots se sont disposés en traîne de Voie Lactée.
P.S. : Ton secret, cher Saïd ? Rien. La beauté.

Saïd Akl est parti en voyage 28/11/14

Un siècle de poésie. Saïd Akl, qui vient de disparaître à 102 ans, a rempli substantiellement son contrat avec le temps.

Akl2Ce cadet presque immédiat de Gébrane Khalil Gébrane a aussi rempli son contrat avec les mots. Alors que Gébrane inventait en langue arabe son poème allégorique, tout en versets simples et sapientiaux, Akl, le lecteur des symbolistes français, dont Mallarmé et surtout Valéry, cherchait, dans une forme d’alchimie imposée aux plus purs vocables de l’arabe, à annexer à la musique raffinée de son poème la chambre d’échos et de significations secondes. Son recueil Rindala fit date dans l’Histoire du jaillissement créateur du XXème siècle au Proche-Orient. Plus tard, devant les nombreuses trahisons et coups tordus dont fut victime le Liban de la part de ses « frères arabes » et autres « nations soeurs », Saïd Akl se détourna de la langue classique magistralement utilisée par lui jusque-là pour pratiquer le dialectal libanais qu’il fit vibrer à nous plus-émouvoir, à nous faire sourire, rire, et parfois à nous crever le coeur. Fayrouz, la grande Fayrouz, le chanta durant les années amères, et elle nous fit pleurer. Saïd (adieu, l’ancêtre!) écrivit le vers le plus compact de la prosodie moderne arabe : « Toi plus belle que ta beauté ? Non ! »

Hommage à Abdelwahab Meddeb 26/11/14

AVANCER DANS LA NUIT DU MONDE

PAR À-COUPS DE POÉSIE

IMA le 26/11/14 

IMG_3782Rarement esprit fut aussi complexe que celui-là, aussi chargé de signes contradictoires que l’effort de Abdel-Wahab toute sa vie fut de tenter de réduire à l’unité, unité qui ne fût pas une simplification autoritaire de la contradiction existentielle, du combat spirituel dans sa brutalité antithétique, mais, à l’inverse, une expansion du lieu d’unité appelé à plus et à mieux contenir. Je n’en veux pour preuve que ce fait d’évidence : ayant créé et géré sur plusieurs années une admirable revue thématique, à projection philosophique et littéraire, à vocation encyclopédique, quel titre choisit Abdel-Wahab pour sa publication qui fit date ? Dédale, le labyrinthe sans fin où s’engage, chaque fois que cela est nécessaire (c’est-à-dire tous les jours), l’homme de pensée objet de violentes émotions. Et c’est par cette formule que je définis le beau, l’exigeant poète qu’il fut, qu’essentiellement il fut. Même si, dans sa jeunesse, il fut aussi éditeur, qu’il fut l’un des premiers, aux éditions Sinbad, créées par Pierre Bernard, dont il fut le collaborateur immédiat, à signaler l’importance de l’Égyptien Meguib Mahfouz, futur prix Nobel de littérature, du Syro-Libanais Adonis et du Soudanais Et-Tayyeb Faleh.

abdIMA

Ce poète, Abdel-Wahab Meddeb, a mis au plus haut de sa quête le besoin, l’exigence de comprendre. De tenir intellectuellement dans son laboratoire analytique, à portée de toute idée en quelque sorte, le pourquoi et le comment des choses : choses d’hier, choses de demain et, principalement, choses d’aujourd’hui. Pourquoi celles-ci sont-elles ainsi faites et quelles sont les pulsions profondes auxquelles elles doivent ce qu’elle sont et qui leur donnent leur type d’architecture instinctive ou réfléchie ? J’aimais beaucoup l’œil bleu de Abdel-Wahab et cette flamme aiguë qui l’animait. Ce regard qui se posait nettement sur les hommes et les choses dont il sollicitait qu’ils lui répondent avec la même netteté, retiré le brouillard qui le plus souvent mélange les genres et complique l’approche. Sous le scalpel de l’intelligence de ce Tunisien nourri de toute la haute culture française, il y avait souvent l’éclair d’acier valéryen : comme l’auteur de Monsieur Teste, il ne souhaitait pas se payer de mots. Mais, l’amande dépouillée de sa gangue, la fleur de l’amandier odorait la pensée et la phrase savait chanter mezza voce.

soirée AMAimait-il l’Islam ? On lui a beaucoup reproché, du côté musulman où il ne comptait pas que des amis – loin de là – le titre de son premier livre sur la détérioration de la situation d’un certain Islam d’après le 11 septembre 2001, pro-Ben Laden et fondamentalement anti-occidental : La Maladie d’Islam. Un de ses éditeurs français alla même jusqu’à rompre avec lui brutalement. Et pourtant, dans la perspective retournée, combien ce titre nous paraît aujourd’hui prophétique ! Abdel-Wahab, fils d’un uléma, grand lettré de Tunis et descendant d’une dynastie de foukaha'(s), savait de quoi il parlait. Il préférait à tout la civilisation de l’Islam dont il connaissait tous les phares rayonnant mentalement, tous les grands sites méditerranéens, les textes mi-obscurs mi-lumineux, les cycles mobiles et les monuments immobiles. Tout dans cet Islam-là, auquel il avait voué son esprit et son cœur, l’interpellait, lui donnait racine et raison d’être, dans une Europe qu’il pratiquait également et dont la civilisation et la culture en France et en Allemagne notamment, mais aussi en Italie et en Espagne (ah ! l’Andalousie d’Ibn Arabi de Murcie !), faisaient partie de son patrimoine familier. Il pouvait parler (improviser) à propos de Berlin comme à propos de Tunis, traçant le plus vaste paysage et relevant au passage le moindre détail. Mais son domaine de prédilection était, je l’ai dit, celui des idées : il connaissait tout, notamment des arcatures spirituelles de l’abrahamisme partagées entre juifs, chrétiens et musulmans, en particulier tout des mystiques liées à cet abrahamisme dont très spécifiquement la mystique soufie. Il attaquait violemment le primarisme, celui des Wahabites, celui des intégristes, celui des djihadistes, toutes tendances étrangères à l’élan du noyau intérieur. Lui, le rationaliste métissé du spiritualisme le plus instinctif luttait à visage découvert contre ces terribles régressions dont sa religion natale était atteinte du fait d’imbéciles pétris d’inculture revendiquée, du fait aussi de dirigeants fossilisés. Et, d’éditorial en éditorial, de livre en livre, ainsi que dans son émission hebdomadaire “Culture d’Islam” sur France-Culture, il le rappelait à tout propos, poussant son analyse parfois, souvent même, plus loin que ne le faisait son invité pourtant spécialiste du problème évoqué à l’antenne.

Abdel-Wahab Meddeb, écrivain et poète, laisse derrière lui en langue française (cette langue qu’il dominait aussi bien que l’arabe) deux romans qu’on connaît : Talismano et Phantasia, et six recueils de poésie – à côté d’une œuvre d’érudition de haute qualité écrite dans la solitude ou dans le cadre d’un dialogue avec une intelligence à la mesure de la sienne, méthode d’approche par lui souvent privilégiée. J’appréciais infiniment chez lui cette façon qu’il avait de sortir de la nuit de l’Histoire par le haut, là où l’air respirable est une promesse d’aube immatérielle. Son dernier recueil, Portrait du poète en soufi, publié quelques jours avant sa mort, est dû à la volonté farouche de son ami Michel Deguy que le livre existât avant la disparition du poète quand celle-ci terriblement se profilait. Je cite cette ultime vision, rêverie de Abdel-Wahab sur un univers où enfin la paix générale dominerait :

[…] à l’ombre du préau errent les sectateurs de mille obédiences

ils pulvérisent leur croyance en restant au devant d’eux-mêmes

en-deçà et au-delà du dogme auquel les uns et les autres acquiescent

vagabonds sublimes soucieux de leur présence au monde

le yogi côtoie le soufi le pandit le ‘alim le sunnite le shiite

le barbu l’illuminé le viril l’efféminé l’extatique le sobre

le chagrin de la passion habite l’un l’Intellect rayonne dans l’autre

celui-là cajole dans la main une colombe il lui chuchote ses confidences

encore un autre qui se confond avec l’arbre qui lui tient le dos

c’est un sage qui bénit tout passant inconnu enfants et adultes

vieux ou jeunes de l’un et l’autre sexe tous progressent

vers le foyer de sainteté Aya ton ombre monte avec moi

les nombreuses marches […]

Notre ami très cher est parti, montant les nombreuses marches. Derrière lui il laisse un vide immense. Un immense plein.

Salah Stétié

 

 

Compte rendu de la signature du 30/10/14

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La poésie, « donner à cette folie universelle, un peu de sens » (Salah Stetié)

Rencontre avec un diplomate-poète

Son éditeur, Jean-Luc Barré, dit de lui qu’il « a traversé les époques, et les plus difficiles » : Salah Stetié, poète, écrivain, a publié ses mémoires aux éditions Robert Laffont. L’extravagance, un titre qui préfigure tout un poème, pour un homme qui a côtoyé les plus grands écrivains, entouré de poètes immenses – Bonnefoy, Michaux ou encore Du Bouchet et bien d’autres. « Il est devenu leur frère d’âme », ajoute son éditeur. Rencontre avec cet auteur français, d’origine libanaise. 

Salha Stétié

ActuaLitté CC BY SA 2.0

Venu à la librairie L’Écume des pages, dans le cadre des rencontres Hors les Murs qu’organise le Centre National du Livre, Salah Stetié ne se répand pas en paroles. « La vie est extravagante », lance-t-il au public, avant d’ajouter : « J’ai certainement encore quelques heures, à passer avec mon éditeur. Mais certainement bien moins que je ne le souhaiterais. Profitez-en maintenant. » Pas d’humour noir, peut-être une simple lucidité, mais un sourire franc, convivial. C’est l’invitation au partage.

Bonnefoy, Salah Stetié s’en souvient comme d’un ami de la première heure, « bien avant qu’il n’écrive. Nous gardons des relations très étroites, et il m’a envoyé son dernier livre qui vient de sortir ». Mais il garde aussi le souvenir d’Henri Michaux, bien plus âgé déjà que lui, ou encore André Gide. « Les nourritures terrestres, ce fut un véritable choc pour notre génération. »

Si l’on connaît mal son humour, « caché derrière une attitude solennelle », Salah Stetié est un homme généreux, qui manie la langue française avec la douceur d’un amant. Son souffle poétique est plus tourné vers l’intérieur, mais on le mesure volontiers à un certain Saint John Perse – c’est que les deux hommes ont partagé une carrière de diplomate reconnu. « Il ne manque finalement qu’un Nobel de littérature à Salah », plaisante son éditeur. « Mais la place des poètes dans notre société est réduite. Ce sont des êtres puissants, qui sont finalement peu vus. Voilà une cinquantaine d’années, c’étaient de grandes figures dans la littérature et la vie intellectuelle. »

Au gré des dédicaces, il trouve une anecdote, un mot, toujours empressé de satisfaire la curiosité. Mais c’est en poète qu’il s’exprime, homme chercheur de sens. « La poésie est ce qui permet, quelquefois, de donner à cette folie universelle que l’homme vit, – à quoi il ne comprend le plus souvent rien – de donner, donc, un peu de sens. Oh, par-ci, par-là… » Attention : on ne parle pas de l’art des vers, mais l’art de créer, « l’imaginatif, le sensible, le sensuel, en marge de la vie, mais avec la complicité de la vie ».

Sa poésie, plus tournée vers l’intérieur, lui a offert « de trouver, parfois, du sens. Le poète est un chercheur de sens. Il y a autour de nous, beaucoup de non sens, cette Extravagance, dont je parle. Et de temps en temps, l’étincelle du sens arrive, au coin d’un poème. La poésie n’est pas simplement la poésie dite telle. On la trouve chez Proust, ou ailleurs, dans toutes les œuvres illuminées par une recherche de nature intérieure ».

La poésie, Salah Stetié y vint en souhaitant imiter l’exemple de son père, qui était poète. « J’ai vécu mon enfance dans une ambiance poétique : il était un excellent poète de tradition classique arabe. J’entendais dans la maison, ce langage incompréhensible, et puis, vers 7 ou 8 ans, je me suis mis à faire comme mon père. » Première manifestation du complexe d’Oedipe, ajoute-t-il, facétieux : « Je voulais remplacer mon père dans l’amitié, l’amour et l’admiration que lui portait ma mère. »

Avec 200 ou 300 mots de français dont il disposait, Salah Stetié se met à écrire des vers. « Je les ai montrés à ma maîtresse qui les a vus. Elle m’a dit bravo. Elle les a montrés à Madame la directrice – j’étais dans un collège protestant, très célèbre au Liban. Elle a dit : “Ce sont des vers de mirliton.” Alors je me suis posé la question de savoir si c’était bien ou pas, d’écrire des vers de mirliton. J’ai dû attendre trois ans, que mon père m’offre, pour mon certificat d’études, le Petit Larousse, et là, ô rage, ô désespoir, j’ai compris que j’avais fait de très mauvais vers. »

Et d’ajouter : « Je suis devenu depuis, j’espère, un poète comestible. »

 
 

 

 

Dédicace de la revue « Souffles », Médiathèque de Montpellier, 28/10/14

Rencontre avec Salah Stétié et la revue Souffles

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Le 28/10/2014

Soirée dédiée au grand poète libanais de langue française Salah Stétié, avec la revue Souffles qui lui rend hommage pour le numéro spécial paru en juillet « Salah Stétié, d’orient et d’occident ».

Ce numéro est une véritable réflexion sur la Méditerranée et contient des textes inédits, des hommages, des interviews du poète et aussi des contributions iconographiques remarquables.

Une interview filmée, « Salah Stétié à la lumière des mythes », sera présentée lors de la rencontre où seront aussi évoqués les mémoires du poète qui paraissent en septembre chez Laffont sous le titre L’extravagance : mémoires. Des lectures de ses textes ponctueront cette rencontre.

Poète, essayiste, diplomate, Salah Stétié né à Beyrouth en 1929 st l’une des figures marquantes de la littérature francophone libanaise.

Célébrant à la fois une langue française très pure et les traditions de la poésie arabe, il est l’auteur d’une œuvre poétique abondante et très dense. On y trouve les plus sûrs acquis de la poésie occidentale, sa faculté de rupture et d’invention formelle, comme métamorphosés par l’amour arabe de la parole qui, en faisant de chaque poème le couplet d’un chant voué à l’interminable, fait du livre une psalmodie, et lui donne une couleur et une accentuation vocales inédites dans notre langue

Parmi ses très nombreuses publications, citons entre autres Les Porteurs de feu, Inversion de l’arbre et du silence, Lecture d’une femme, et pour les plus récents : En un lieu de brûlure, Oiseau ailé de lacs, Râbi‘a de feu et de larmes, Sur le coeur d’Isrâfil, L’Uraeus, tous parus chez Fata Morgana.

Dans ses mémoires,il dévoile l’histoire de sa destinée et le spectacle du monde, revenant sur plus d’un demi-siècle d’histoire littéraire, aux personnages essentiels qu’il a côtoyés dans les domaines artistiques et politiques.

Rencontre animée par Maxime Del Fiol, professeur à l’université Paul Valéry de Montpellier et spécialiste de la francophonie, et Christophe Corp de la Revue Souffles

Localisation : Médiathèque Emile Zola

Catégorie : Rencontres et conférences

Conditions d’accès: 18h30 – Grand auditorium

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