FRANÇOIS, L’ARTISAN DE LA LUMIÈRE

J’ai rencontré François Chapuis dans un café de Montparnasse et par le plus grand des hasards. Me promenant dans le quartier (j’étais alors Délégué Permanent du Liban auprès de l’Unesco) en compagnie du peintre Calmettes, un pur coloriste qui m’invitait parfois dans son atelier de la rue Delambre à grignoter avec lui des rognons de veau à peine saisis par la cuisson, nous nous attablons au “Select”, à l’invitation de François, pour un café ou un verre de vin (lui, c’était le vin sa préférence). Il me prend pour un peintre et me tutoie aussitôt. Calmettes lui explique que je suis diplomate, ce qui stoppe la familiarité mais déclenche une sorte d’agressivité : « Les diplomates, grogne-t-il, ils n’ont jamais su éviter une guerre ». Diplomatiquement, je lui propose de partir chez lui voir ses toiles. Il habite rue Saint-Dominique, dans le 7ème arrondissement de Paris. Il m’explique qu’il n’a pas d’atelier, qu’il peint dans son salon donnant sur la rue, sa femme, Arlette de Bréville, peintre elle aussi, occupant la chambre de bonne du septième étage du magnifique immeuble en pierre de taille. En cours de route nous rencontrons tour à tour deux de ses voisins auxquels il me présente : Olivier Debré qui a un de ses ateliers par là, que je visiterai plus tard et avec qui je me lierai d’amitié, et Sonia Delaunay, la prestigieuse Sonia, avec qui aussi, par la suite, j’aurai des relations suivies. Ainsi était le Paris des peintres à l’époque : une toile d’araignée où tout le monde se laissait prendre.

François Chapuis me montre ses toiles de grandes dimensions : elles évoquent, avec une touche serrée créatrice à ses arêtes de lumière, l’immensité cosmique. Il peint aussi des portraits très fouillés : il en peindra par la suite une dizaine de moi. Il est surtout connu pour avoir inventé, et cela bien avant César, un nouvel usage du plastique. Le Mur-lumière, sa création, est une matière translucide une fois refroidie dans laquelle, à chaud, il a intégré des objets abstraits, des motifs en nid d’abeille, des sortes de bulles d’air imaginées. C’est très beau. Très vite, François, le cher François, et moi-même, poète contre peintre, devenons inséparables. Il mourra, hélas, trop tôt, à 70 ans, en 1998, des gaz absorbés durant son travail.