Salah Stétié , notre correspondant

La confrérie des poètes a perdu son prince.
Chaque jour s’ouvrait sur une ligne et se refermait sur une ligne.
Il les traçait même parfois dans l’air, invisibles.
D’une main précise, au doigté attentionné, l’on voyait alors le texte dérouler ses mots sous une caresse.
Il a vécu pour que l’œuvre soit. Elle est.
Il a vécu beaucoup et bien.
Chaque semaine les manuscrits de jeunes auteurs abondaient dans la boîte aux lettres. Il les lisait, les appréciait et les commentait. Souvent aussi il fut ce passeur qui aide à publier.
Il veillait à sa correspondance, avec ses vieux amis dont nous connaissons tous les noms… de Bounoure, Mandiargues, Seirig, à du Bouchet, Deguy et Bonnefoy, les derniers compagnons, témoins du métier. Les lettres se sont rafraîchies avec les années auprès de jeunes cœurs flambants, certains se reconnaîtront, amis, artistes, éditeurs. De nombreux lecteurs ont longtemps maintenu ce lien épistolaire qui signait sa vie.
Salah était un Hermes. Ce fut son métier.
Lui, sculpté au marbre du plus pur Occident était fils d’un Orient en miettes et en cendres dont il désespérait de voir un jour le salut. Ses chemins étaient des contre-chemins, ses voies n’étaient pas de celles qu’empruntent les fanatiques. Il s’est cabré contre les faiseurs. Ce fut son honneur. Il n’aura pas été d’un seul pays, mais il n’a été que d’une seule langue dont il a fait sa patrie.
Il me disait, « toujours passer outre »

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