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Colloque Salah Stétié à Montréal novembre 2001

Poésie, terre d’exil. Autour de Salah Stétié

Montréal, novembre 2001
sous la direction d’Alexis Nouss

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Actes du colloque Poésie, terre d’exil. Autour de Salah Stétié,
qui s’est tenu à Montréal dans les premiers jours de novembre 2001
sous la direction d’Alexis Nouss
(Auteur de Métissages, Alexis Nouss est professeur au Département de linguistique et de traduction de l’Université de Montréal. Ses champs de réflexion et de recherche vont de la théorie de la traduction aux problèmes esthétiques et philosophiques de la modernité, aux problématiques du métissage, de l’exil et de la diaspora.)

Au delà de l’œuvre de Salah Stétié, une des plus grandes voix de la poésie francophone actuelle, ce recueil d’articles examine les questions contemporaines de l’exil et de la migration telles que l’art les aborde.
L’ouvrage réunit des contributions d’écrivains et d’universitaires venus de divers pays et d’horizons disciplinaires variés.
Il comporte un poème inédit de Salah Stétié ainsi qu’une riche iconographie.
La maquette inclut un travail calligraphique sur la langue arabe en rapport avec chaque article.

S’accompagnant de Salah Stétié dans le sentier de son écriture exilée, les auteurs des études qui figurent dans le présent ouvrage mènent une réflexion autour de la question de l’exil.
Si l’expérience exilique porte en elle la menace de l’irrémédiable, d’un parcours en sens unique, il s’agit, dans cet espace de mort qu’est l’exil, de chercher la langue qui fait jaillir le sens de la vie.
Par sa parole poétique, Salah Stétié traduit dans la concentration de son verbe brûlé la tension de la double présence culturelle en son sein, en-deçà du poème.
À l’expérience de la séparation et du deuil, la poésie devient cette «langue autre », celle du «pays double » qui vient au secours de l’être «en mal d’identité ».
Elle donne corps au discours de l’exilé et met fin à son exil. Elle est la langue de la langue perdue, la parole-terre de la terre rêvée.

Espaces d’exil, figures de l’exil, je(u) de l’exil et l’exil en partage sont les quatre axes qui nourrissent le parcours stétiéen lui permettant de visiter cette dimension inconnue à travers l’instrument de la langue afin de trouver la meilleure terre d’exil.

Naïm Kattan

 Montréal, le 5 novembre 2001

En attendant …

Cet homme nous vient du fond des terres, du fond des âges, Cela fait des milliers d’années qu’il est Juif  et cela fait des siècles qu’il est Arabe,  Il vient de Bagdad, entre Tigre et Euphrate, sous les palmiers, ville abbasside, ville éternelle,  Il a écrit d’abord en arabe, puis, parce que  Paris est Paris et que la France est ce qu’elle est,  le cœur de la culture, le cœur du monde,  Il a écrit comme beaucoup de ceux dont le  cœur bat au rythme du monde et sous le déploiement dans le grand ciel du monde  des étendards brillants et flambant neuf de  toutes nos fêtes,  En français, il a écrit en français, et,  de son cœur à sa plume, le français est arrivé  comme un nouveau flux de sang doublant  le beau sang rouge de l’origine,  Idées, souvenirs, enfance, personnages, poésie et  rêve sur la poésie, tout lui est arrivé d’un seul  coup, sur un demi-siècle d’étalement  créateur, dans cette langue, la sienne désormais,  et la mienne,  Sans que ni lui ni moi n’ayons renié, lui sa  judéité, moi mon arabité, dans cette langue qui  nous est convergence,  Et dans la convergence, il y a l’amitié et la foi,  la confiance dans ce qui va, dans ce qui doit venir :  Paix dans le cœur et l’esprit, fraternité  inaltérable, au-delà de la stupidité des massacres,  parce que la vérité et la justice sont plus fortes  et plus conséquentes que le déchirement, le délabrement  des consciences, et la brutalité de ceux dont la mâchoire est lourde et le front bas,  Et que la main de l’homme juste ne peut que  reposer dans la main de l’homme juste, pour que  cessent le cactus des barbelés et l’affreux crachat des canons,  Abraham-Ibrahim, l’Ami de Dieu dans ton cœur,  Naïm Kattan, du Québec, et dans mon cœur, moi qui  suis le fils d’un Liban dont nous est venue la Fiancée,  Abraham pleure sur la Palestine en deuil, et qui  resplendira plus tard, cher Naïm, parce que deux hommes  d’amitié ont vécu, rêvé et souffert en même temps, et  qu’ils n’ont pas perdu confiance l’un dans l’autre,  Hommes seulement présents à la vérité de l’Esprit qui est une  et indéfectible, quand elle existe, là où elle existe,  Deux hommes seulement, mais représentatifs de beaucoup  d’autres, et qui croient comme eux, avec eux,  que la parole est fondement, fondation et refondation,  Et qui attendent dans le salut promis et donc en marche,  nécessairement en marche, l’achèvement de la longue  nuit stérile et la sortie, au vif tranchant de l’aube  et du livre, du premier jumeau délivré.

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