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Luc Chatel « Les évangiles de Rimbaud »

Les évangiles de Rimbaud

propos recueillis par Luc Chatel
in Témoignage chrétien, novembre 2004
 

Chatel

Pour les 150 ans de la naissance de Rimbaud, Salah Stétié présente les dessous mystiques de son œuvre à l’occasion de la publication de :

Rimbaud d’Aden, Fata Morgana, 2004
Fils de parole – un poète d’Islam en Occident
Entretiens avec Gwendoline Jarczyk, Albin Michel, 2004


Témoignge chrétien : Vous publiez un livre sur le périple de Rimbaud à Aden, au Yémen. Que nous apprend-il ?
Salah Stétié : Quand il part pour l’Afrique, Rimbaud est un homme trompé. Il pensait, à 17 ans, que la poésie allait changer la vie. Or elle n’a rien changé : « Un soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux. – Et je l’ai trouvée amère. – Et je l’ai injuriée… », écrit-il. Après avoir cherché l’or absolu dans la poésie, il va chercher l’or banal. Il devient trafiquant en Afrique. Là, il réussit à peu près, et revient en France avec l’équivalent de 150 000 euros. Mais cela ne le satisfait pas. Le Rimbaud réaliste, après le Rimbaud poète, a échoué. J’ai voulu mettre ces deux phases en continuité alors qu’on a l’habitude de les opposer.

En quoi cet adolescent fut-il exceptionnel, hors normes ?
À l’adolescence, nous avons tous été plus intègres, plus violents, plus purs que nous ne le serons jamais. Mais lui l’a été jusqu’au bout. C’est un révolté. Il veut casser la baraque. La poésie fut pour lui une expérience de la langue et de la vie dans sa totalité. C’est un être absolu.

Cette quête d’absolu, pourquoi ne l’a t-il pas menée dans la religion ?
Parce qu’il rejetait l’institution.

Mais il aurait pu devenir un grand mystique…
Rimbaud est un mystique ! Claudel a reconnu avoir été converti au christianisme en grande partie grâce à la lecture de Rimbaud. À travers lui, il a senti l’existence de l’esprit. Comme les religions du Livre, Rimbaud a cherché « la vérité dans une âme et un corps ». Cette vérité, il a pu la déceler dans une sorte d’explosion de l’être individuel au sein de l’être naturel et cosmique. Il se décrit lui-même comme une « étincelle d’or de la lumière nature » ou comme un « fils du soleil ». Il met tout son espoir dans une forme d’harmonie entre l’homme et le monde, entre le désir de l’homme et la saveur du monde, entre le rêve de l’homme et la beauté du monde…

Cette fusion avec la nature pourrait le rapprocher d’un saint François d’Assise…
Rimbaud reconnaît être porteur d’une « charité merveilleuse ». Comme François d’Assise, il parle avec une sorte d’innocence et de tendresse des objets les plus humbles. Il ne se frotte pas aux grandes réalités tonitruantes et mobilisatrices à la manière d’un Hugo qui proclame : « Et si vous aboyez, tonnerres, je rugirai ! » Non Rimbaud, c’est la magie de l’edelweiss. Sa poésie est beaucoup plus inventive que les merveilleux poèmes naïfs de saint François d’Assise, mais il a la même approche compassionnelle. Tous deux croient en l’esprit et quittent tout pour se mettre au service de ce qui peut les conduire à l’esprit. Rimbaud dit : « Par l’esprit, on va à Dieu ». Quel Dieu ? Cela, c’est une autre affaire…

Et son rapport au Christ ?
Il pense que le Christ a échoué à changer la vie. Il l’appelle « le voleur des énergies ». Mais il l’obsède. Rimbaud semble entrer en compétition avec lui. Ses deux chefs-d’œuvre, Une saison en enfer et Illuminations, résonnent comme des évangiles. Dans le premier, il décrit une vision de l’enfer qu’il veut éliminer. Dans le second, dont le titre a également une forte connotation chrétienne – ne dit-on pas que Dieu est lumière – il présente sa vision du paradis. Ces évangiles annoncent un homme réhabilité, hors péché originel, un homme éloigné de la croix, cet « horrible arbrisseau », comme il la décrit à la fin d’Une saison en enfer. Je ne voudrais pas, moi, musulman, tirer Rimbaud vers le christianisme, mais à travers son terrible voyage à Aden et en Abyssinie, puis son retour pendant lequel il fut porté de longues semaines sur un brancard de fortune, il a connu à sa façon une forme de passion christique.

Reçoit le grade de Commandeur dans l’Ordre National de la Légion d’Honneur 2004

Mercredi 20 octobre 2004

Salah Stétié

a été fait Commandeur
dans l’Ordre National de la Légion d’Honneur

La remise de la cravate s’est déroulée Place Beauvau

Monsieur le Ministre de l’Intérieur,
de la Sécurité Intérieure et des Libertés Locales,
Dominique de Villepin
a présidé la cérémonie

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Le discours du Ministre

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Cher Salah, mon ami,

Un jour, pendant la guerre du Liban, tu es sorti sous une pluie de bombes assourdissantes chercher un chat pour le sauver.

D’où venait-il, ce chat ? D’Égypte, de Perse, d’Abyssinie ? Venait-il du Levant ? Que faisait-il avant que la fureur des armes n’interrompe son sommeil ? Dormait-il à l’ombre d’un cèdre, d’une jeune fille ou d’un citronnier en fleurs, dans un coin de Beyrouth, de Tyr ou de Byblos ?

Comme ce chat qui s’avance, porteur d’une musique silencieuse, tu es une énigme. Comme ce chat, tu gardes jalousement ton mystère : à travers toi parle le temps, car ton regard traverse le monde et ses métamorphoses.

Je ne pourrai pas plus percer ce mystère que celui des arbres, des puits, des femmes, des mille âmes de ton pays. Pourtant tant de choses nous lient, depuis que nous nous sommes croisés pour la première fois : toi Ambassadeur au Maroc et moi simple conseiller à l’Ambassade de France à Washington.

***

1. Déjà la poésie nous avait reliés de ses amarres mystérieuses ;

– La poésie, tu l’as côtoyée de bonne heure :

A l’Ecole supérieure des lettres de Beyrouth, où tu as reçu l’enseignement d’un professeur exceptionnel, Gabriel Bounoure. Il n’était pas un Français du Liban, mais comme tu l’as dis, un « Occidental asiatisé ». Ta fierté n’est pas feinte, lorsque tu écris qu’il aida tes « premiers pas dans la broussaille intellectuelle »,consolidant ton avancée de « ses conseils à la fois rigoureux et discrets »,accompagnant « de toute son amitié généreuse tes premières écritures. »

Nourri de Nerval et de Rimbaud, proche de Massignon, Bounoure avait aussi le goût très sûr, lui qui signala le premier, dès 1930, l’importance de Michaux.
Soucieux de lui témoigner ta reconnaissance, tu publias son livre Marelles sur le parvis, où l’on trouve des pages lumineuses à la fois sur le silence de Rimbaud, sur Jouve, sur Michaux, sur Char, sur Jabès. Alors Bounoure put écrire à ton propos :

« qui résisterait à Salah Stétié ? Aucun certes de ceux qui le connaissent, qui aiment en lui (sa) double ardeur (…) »

– Comment définir cette double ardeur ?

C’est d’abord une conviction : le monde est tel qu’on veut le formuler et le reformuler. C’est un principe de transformation, qui fait de l’ordinaire une merveille, de la blessure un guide, de la tristesse une joie souterraine.
Cette ardeur, c’est aussi, dis-tu, « cette passion de Dieu qui se levait en toi », cette « dévastation créatrice, au spectacle des cimetières musulmans alignant leurs stèles titubantes, « châteaux dérisoires », comme des apparences de destin. »
Cette ardeur est donc un aller-retour continuel vers un lieu de retraite intérieur, un « lieu sans figure », un Domaine sans Nom ; un aller-retour vers un « exil rapatriant », que tu évoques dans ton dernier livre d’entretiens Fils de la Parole, comme s’il fallait se quitter pour mieux se trouver. De cette retraite, de cette émotion primitive que tu éprouvas lors de ton premier voyage à Alep, à l’âge de dix-sept ou dix-huit ans, il en demeure peut-être des traces.

– Mais l’exil ne doit pas faire oublier une autre dimension fondamentale de ta poésie : tu es veilleur mais aussi passeur. Un passeur entre les mondes imaginaires et le monde réel bien sûr, mais un passeur aussi au cœur de notre monde déchiré, soucieux de la quête, des rives intérieures aux rives d’aujourd’hui, sous toutes les latitudes du monde. Ponts, porches, seuils, passerelles te sont familiers, lieu de passage, de rencontre, de retrouvailles.

Nourri du voisinage et du dialogue avec tous « ces horribles travailleurs » qui t’ont précédé, tu es au croisement de plusieurs lignées de poètes : celle d’Apollinaire, le « flâneur des deux rives », traversant les ponts de Paris ; celle de Rimbaud et des voyageurs impénitents ; celle d’Ibn Arabi, pour qui le monde est suspendu aux lèvres du « respir divin » ; celle des poètes soufis, insatiables voleurs du feu céleste ; celle de bien d’autres encore, tous inscrits dans cette « dynamique du spirituel » dont tu parles.

– Tes rives à toi sont d’abord celles de la Méditerranée :

Toute ta poésie s’y joue. Qu’a été, en effet, cette mer, depuis les aventures d’Ulysse, sinon un lieu de passage, celui que tu as traversé tant et tant de fois ?

Tu n’as pas l’allure d’un flâneur, même si tu aimes la promenade. Tu es trop tendu vers l’œuvre qui reste perpétuellement à accomplir. Je partage avec toi cette veille alerte et assidue, cette insatisfaction de l’acquis.

Mais quelle est ta Méditerranée, toi qui constatais il y a plus de trente ans déjà : « Aujourd’hui, la Méditerranée a mal » ?

Ta Méditerranée est d’abord souffrance de chair : elle est en proie à des fièvres, à des délires, elle s’agite dans « ses draps de mauvais rêve (…) maculés d’excréments et de sang. » ; elle souffre aussi moralement : elle est en proie à ses démons qu’avant le christianisme et l’Islam, les anciens Grecs avaient représentés comme des monstres et comme autant de figures propres à inspirer la peur. Rappelez-vous, sembles-tu nous dire, et tu les nommes, ces figures de cauchemar : « Méduse, Circé, Cyclope ». Rappelez-vous Osiris déchiqueté, Orphée démembré. Cette souffrance, c’est celle encore d’Antigone emmurée vivante, à laquelle tu es très attaché, car elle est « celle qui ne consent pas, et qui parle », celle qui a le courage de dire non ! « à tous les pouvoirs, à toutes les séductions. » Cette souffrance, c’est enfin celle des monstres modernes, des machines, venues du Nord : tu penses aux grands régimes totalitaires que furent le nazisme, le fascisme italien, et les communismes ; tu penses à l’Espagne de l’Inquisition, à ces « quelques cavaliers hirsutes jaillis du désert arabique qui établirent, en quelques décennies, l’un des empires les plus orgueilleux qui soit ».

« Mare conclusum », ta Méditerranée est aussi tentation de la clôture ou du repli, de l’enlacement ou de l’enfermement. De manière visible ou déguisée, n’est-ce pas tout son mouvement même ? « La Méditerranée, écris-tu, est avant tout, par chacune de ses villes, une cité fortifiée » : Tyr, Sidon, Carthage, plus tard Venise ou Florence, plus tard encore, Alger. C’est la figure de Créon, par opposition à celle d’Ulysse : Créon a connu la cité comme un bloc, Thèbes en Béotie avec ses sept portes fermées.

Enfin, ta Méditerranée est le lieu des ruptures avec, en particulier, la redoutable situation créée par la multiplication et la fermeture des frontières, de la Yougoslavie éclatée, à l’île de Chypre coupée en deux, et jusqu’à Israël et la Palestine, en proie à cette « pluie de feu » qui résonne, par ton verbe, en chacun de nous.

2. A travers la poésie, tu exprimes tout ton amour de la langue, ton amour de France, comme un port choisi.

– Toutes tes œuvres, tu les as écrites en français.

De là, elles ont été traduites dans le monde entier. Et pourtant, nombreux sont les berceaux de ta langue poétique, et si « difficile » est « ton identité », comme tu l’exprimes dans Fils de la Parole.

Tu as choisi la langue française parce qu’elle contient, comme la poésie, cette part d’universel, qui unit et réconcilie les hommes à travers le monde. Pour cela, en 1995, à l’unanimité, l’Académie française t’a décerné le prestigieux Grand Prix de la Francophonie pour l’ensemble de ton œuvre.

– Ce choix de la langue française, c’est aussi le choix d’un questionnement. Tu es un poète libanais de langue française, un poète de langue arabe qui écrit en français. Un poète français qui pense les métamorphoses du monde et le voyage dans la langue dans sa quête de l’autre.

Tu es aujourd’hui Français comme tu es Libanais. Tu es né à Beyrouth le 28 décembre 1929 et tu vis dans les Yvelines. Le Liban de tes origines était sous protectorat français et l’accès à notre langue n’avait rien d’un accident dans ce pays francophile et pour une part francophone.
« Je suis Arabe et je tiens à mon arabité. Qui est la forme la plus profonde de mon identité, matrice originelle en quelque sorte », confiais-tu en 2001. Tu y rappelles aussi que tes parents étaient de vieille souche beyrouthine, que ta mère s’appelait Raïfé et ton père Mahmoud. Mais ce père poète, linguiste et grammairien, qui aimait passionnément sa langue, t’a placé, dès l’âge de quatre ans, « entre les mains d’une autre nourrice qui te deviendra mère », cette langue française que tu ne devais jamais quitter.

– « Peut-on imaginer univers plus différents que ceux de la langue arabe et du français ? », demande Yves Bonnefoy, dans sa préface de ton Fièvre et guérison de l’icône. Il répond aussitôt : « C’est pourtant sur ce pont à l’évidence vertigineux qui mène de l’un à l’autre que Salah Stétié s’est risqué ; et comme en poésie il ne s’agit pas de rester, tel un touriste de la parole, au plan superficiel, c’est l’œuvre poétique qui attestera qu’il est pour le moins parvenu à bon port. »

– Oui, passeur de poésie, passeur en poésie, tu es aussi, dans ta défense de la francophonie et ton amour de la langue arabe originelle, un passeur entre les langues et entre les cultures.

Il n’est, grâce à ton œuvre et à ton engagement public, plus de mer ou de terre infranchissable : tu construis les passerelles de la paix et tu ouvres les chemins de l’unité.
Car la vraie langue ne se complait pas à elle-même dans une recherche parnassienne de la beauté parfaite mais stérile ; non, la vraie langue, qu’elle soit poésie ou francophonie, est porteuse de sens, porteuse d’un message au monde, d’une voix singulière et forte au milieu du bruit et du chaos.
La vraie langue est celle qui révèle et qui donne la vie, c’est toujours celle de l’autre, celle du partage et de l’ailleurs.

3. Ce qui t’habite, ce qui te hante depuis toujours, c’est au fond ce grand rêve de partage et de réconciliation.

– C’est la soif de ces autres mondes que ton œuvre fait danser ensemble, le Ponant et le Levant, l’Orient et l’Occident, le Nord et le Sud. Ce goût de la réconciliation est le pivot qui relie tes deux vies :

celle d’écrivain et de poète, avec une exigence permanente de questionnement et de renouvellement ;
et celle du diplomate, du conseiller culturel à Paris au délégué du Liban à l’UNESCO, de l’ambassadeur du Liban au Maroc et aux Pays-Bas jusqu’à Secrétaire Général des Affaires étrangères, ardent représentant d’un pays meurtri, en guerre, que d’aucuns croyaient mort sous un déluge de feu.

– Affermie et agrandie par notre amitié, cette même passion de la rencontre est aussi mon étoile, des Affaires Etrangères à ce ministère de l’Intérieur, qui est aussi celui des Cultes.

Chacun sur notre route, nous servons ce dialogue au sein de la communauté internationale, de part et d’autre de la Méditerranée, pour encourager la compréhension mutuelle entre toutes les origines, toutes les religions, entre le monde arabe et l’Europe ;

Ici, je veux travailler sans relâche, avec les musulmans de France, à la construction d’un Islam de paix au sein de la République ;

Ici, je veux enraciner dans la terre de notre pays « l’arbre entier » de l’Islam, pour reprendre une image que tu utilises dans Fils de la Parole : l’arbre de vie, à l’opposé du bois mort des intégrismes et des fondamentalismes qui veulent couper les feuilles et les fruits de la tolérance et du respect de l’autre.

– Ta soif, cher Salah, est celle du voyageur. Tes bagages sont tes œuvres, et l’ancien diplomate s’est transformé en un ambassadeur de la culture admiré dans le monde entier, dans la tradition de Claudel, Saint-John Perse, ou encore Octavio Paz ou Pablo Neruda.

– Mais le monde que tu parcours n’est pas seulement celui que l’on croit, celui que l’on voit. Il s’agit d’un monde nouveau. Ce n’est plus l’arrière-monde, ce pays lointain des dieux dont parlaient les Anciens, c’est davantage un « avant-monde », celui qui se donne à explorer, à élargir, à inventer.

Les frontières sont nouvelles : à l’intérieur et au dehors de chacun de nous, elles bougent et reculent sans cesse, grâce à la recherche de l’art et au tissage patient de la paix.
Les cultures y sont exaltées, dans toute leur richesse et toutes leurs différences : les artistes sont les artisans privilégiés d’un nouveau dialogue fécond. C’est le sens de l’Ouvraison, ce mot que tu as forgé pour désigner la pleine ouverture des esprits et des cœurs vers « les idées, les hommes, les imaginaires et les choses. »
Ce nouveau monde est aussi en questionnement perpétuel, avec un sentiment de fièvre, qui accompagne tous ceux qui le questionnent, toi le premier :
Ce sentiment domine dans ton dernier recueil Brise et attestation du réel. Tu écris que « Pourtant un mot ne m’a jamais quitté, le motbrûlure »,
Mais la brûlure, tu le dis dans L’autre côté brûlé du très pur, constitue aussi une chance, la condition même de l’existence vraie. C’est le monde ancien qui se consume pour renaître, apaisé, de ses décombres et de ses cendres.

– Telle est la beauté aux mille visages, aux mille apports, aux mille chemins, aux mille prières, que tu rêves de réinventer et à laquelle tu nous invites.

– Tu as toi-même pris plusieurs visages, connu plusieurs vies en une arabesque ininterrompue, des braises de la terre meurtrie du Liban au havre de paix d’Honoré d’Urfé que tu habites aujourd’hui. De ces braises, de ce feu, tu fais renaître un monde toujours vierge.

***

Je souhaite, cher Salah, comme tous ceux présents ici, pouvoir t’accompagner encore longtemps sur les chemins de cette autre civilisation, celle de l’homme retrouvé, de l’homme pacifié, de l’homme réconcilié avec lui-même, dans l’unité profonde des peuples.

Salah Stétié, au nom du Président de la République, et en vertu des pouvoirs qui me sont conférés, nous vous faisons Commandeur de la Légion d’Honneur.

Le discours de Salah Stétié

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Ce n’est pas rien que d’être élevé à la dignité de Commandeur de la Légion d’Honneur, ordre prestigieux s’il en est, et ce n’est pas rien non plus que de recevoir les insignes de cet ordre de ta main. Main de faiseur d’Histoire, main raffinée d’écrivain et de poète. Toi, l’historien de Napoléon Bonaparte, voilà que tu fais d’un lointain Libanais, à travers l’espace et le temps, un compagnon de l’homme fabuleux qui rêva l’Orient, autrement mais avec la même intensité que le fera plus tard, trois quarts de siècle plus tard, un autre souverain du domaine français, notre Arthur Rimbaud, lui aussi conquérant vaincu, lui aussi triomphant. À l’un et à l’autre de ces héros, tu as su, Dominique, consacrer des pages magistrales dont il ressort qu’au-dessus de l’action, « ce cher point du monde », et la rythmant, il y a toujours une initiative forte, une détermination impeccable, celle de l’esprit et que, trace éblouissante laissée par le passage de l’esprit, c’est la légende qui prend le relais de l’homme. Toi et moi, cher Dominique, moi à la poupe et déjà en-allé, toi en avant et à la proue, plein d’énergie, « de clés et de charmes » – pour reprendre une expression de Gabriel Bounoure – nous avons, parmi d’autres, une ultime référence commune, illustre référence elle aussi, celle d’un maître de liberté et de grandeur, un homme qui m’a fait l’honneur de me serrer quelquefois la main: le Général de Gaulle. Et c’est parce que je me suis toujours fait une « certaine idée de la France » et, par dérivation, une certaine idée de mon pays d’origine, le Liban, que j’ai choisi il y a une douzaine d’années, de vivre en France, mon autre pays.

Vivre en France, c’est vivre dans la langue française. C’est vivre dans les valeurs et les virus de cette langue que j’aurai aimée comme on aime une personne vivante, – ce qu’elle est. Personne vivante, personne aimée et que j’aurai servie toute ma vie autant que j’aurai pu, chaque fois que j’aurai pu, partout où j’aurai pu, avec la conviction et l’énergie que seul donne l’amour. Il y aurait mille raisons pour justifier cet amour dans le cœur du Libanais que je suis, de l’Arabe que je suis, et dans l’intelligence de ce cœur. Je ferai fi pour cette fois de ces raisons, trop longues à énumérer. Mon œuvre d’essayiste et de poète témoigne assez, me semble-t-il, de ces dites raisons, que ce fût directement ou indirectement, oui, tout chez moi, et dans mes écrits, dit avec décision les raisons de ma prise de chair en langue française. Pour cette langue et sa légitimité, je me suis battu aussi comme Ambassadeur auprès d’organisations internationales et de comités intergouvernementaux envahis par l’anglo-américain. C’est à une déraison que je ferai appel aujourd’hui pour signifier le mystère d’une relation de cette qualité. Chacun se souvient de la justification avancée par Montaigne pour tenter d’expliquer son attachement profond à son ami La Boétie qui venait de mourir : « Parce que c’était lui, parce que c’était moi », dit-il. Raison majeure, déraison majeure: je dirai de la langue française, celle de Racine, de Pascal, de Baudelaire, de Mallarmé, de Gide, de Proust, de Guillaume Apollinaire, d’André Breton et de quelques autres: « Parce que c’est elle, parce que c’est moi ».

Si, une raison pourtant d’aimer, de préférer la langue française, puissante raison et dont il me faut témoigner ici, devant vous, hautement. J’ai dit que, Libanais, j’étais Arabe, fils donc, à travers le signe méditerranéen, d’une grande culture, d’une grande langue, d’une grande civilisation, de l’intuition d’une sacralité spécifique et d’une quête spécifique du sens, et qui n’ont rien à voir, que chacun en soit convaincu, avec les terribles dérives que l’on sait. Je témoigne que la langue française que j’ai fait mienne n’a jamais blessé mes racines, n’a jamais empêché ni interdit en moi l’embranchement originel, m’a au contraire aidé à formuler ce que j’étais, ce que je suis, allant jusqu’à exiger de moi de ne pas me dévoyer en cours de route, de ne jamais perdre le contact avec mon premier terreau. Telle est la vocation humaine et humaniste de cette langue qu’elle serait prête à privilégier l’étranger si son étrangeté n’est pas de mutilation mais d’apport et d’enrichissement réciproques. Je suis, en langue française, un Arabe, et libre de l’être. Existe-t-il de francophones heureux? J’en suis un.

Ai-je été trop long? Vous me le pardonnerez. Il fallait que je vous dise tout cela qui fait lourd le cœur comme fruit de plein soleil. Et maintenant, à cause de cet excès de soleil, et tout en vous remerciant d’être là, je vais m’abriter sous mes lauriers devenus pour la circonstance ombreux et merveilleusement amicaux.

Salah Stétié

Des hommes et des paysages

Texte publié dans le numéro de GÉO de février 2004

 Le Liban est un paysage, un déploiement de paysages dans le labyrinthe de montagnes traversées d’est en ouest de vallées souvent étroites et profondes et s’ouvrant, au fur et à mesure qu’elles s’en approchent, tirées par leurs cours d’eau, sur l’espace et l’éclat de la mer. Et quelle mer! la Méditerranée, « agitée perpétuellement par la naissance éternelle de Vénus ». Car le Liban, avec son puissant massif du Sannine, est le pays mythique d’Adonis, le dieu mort et ressuscité, ressuscité par l’amour d’Astarté dont les métamorphoses successives feront, le moment venu, l’Aphrodite grecque puis la Vénus latine. C’est peut-être cet orgueilleux face-à-face entre ce qui est de l’ordre du destin et ce qui est de l’ordre de la splendeur qui définit le mieux la spécificité du Liban.

 Le Sannine, couvert à longueur d’année d’un turban presque immatériel de neige tant la grande lumière qui règne le plus souvent sur cette région du monde en vaporise le signe de fulgurance, le Sannine est le patriarche incontesté de ce Proche-Orient des patriarches. Ils sont depuis Abraham, l’Ami de Dieu (Ibrahim al-Khalil dit la tradition musulmane), ceux par qui l’Esprit témoigne sa souveraineté et travaille à la communiquer aux hommes de tous credo et de tous rites. Il y a des patriarches de toute nature dans l’histoire ecclésiale, même si le terme proprement dit est réservé prioritairement aux plus hauts dignitaires religieux des communautés chrétiennes d’Orient: le Patriarche maronite, par exemple, qui régit spirituellement la conscience des Maronites du Liban et de ceux qui vivent hors du Liban, a son siège à Bkerké, au cœur du « pays chrétien », dans une montagne qui fut longtemps, et jusqu’aux portes du XIX° siècle, appelée paradoxalement — en France et en Italie notamment — la « Montagne des Druzes », comme le « Djebel druze » d’aujourd’hui qui se situe au sud de la Syrie. Patriarche est un mot composé de patria (« clan », « famille ») et de arkhês (« chef ») et désigne une personne que ses fonctions investissent d’une grande et décisive autorité morale. Du coup, et en ce sens, on peut dire que les chefs spirituels de toutes les communautés qui forment le Liban sont, à leur façon, des « patriarches ». « Patriarche » est le Cheikh Aql des Druzes, « patriarche » le Mufti (sunnite) de la République Libanaise, « patriarche » le Grand Imam chiite. Et, pour être complet, il faudrait, sur ce terrain subtil et délicat, citer bien d’autres appartenances — les Grecs-Orthodoxes, les Grecs-Catholiques ou Melkites, les Alaouites, d’autres encore — dont le tissage, trame et lice, fait l’étonnant bariolage de ce pays, son apparence de fragilité alliée à un sûr instinct du dialogue salvateur, sa curiosité et son goût finalement de l’autre en son altérité reconnue, et même souhaitée, son inscription dans un futur qui ne saurait être que de métissage universel.

Toutes ces particularités du Liban, depuis l’origine de son histoire, ne s’expliquent que par sa géographie. « L’Égypte est un don du Nil », selon Hérodote. Le Liban, lui, est un don de ses hauts rochers. Et, bien entendu, de sa mer aussi, — qui lui est compagne fidèle. Hauts rochers, gorges encaissées, vallées profondes, vous aurez eu sur les hommes d’ici une action tout à la fois négative et positive. C’est parce qu’ils n’aimaient pas la montagne toujours inquiétante et couverte de divinités hostiles logées dans de résistibles bétyles que les premiers hommes de ce pays préféreront en coloniser le rivage et se lancer, Vénus stellaire à l’appui (ils connaissaient bien leur carte du ciel et, au ciel, ce point fixe: l’Étoile du Matin), dans l’aventure prodigieuse de la mer. Les Phéniciens auront été ainsi les premiers grands navigateurs, de la race de ceux qui relient, à la force du poignet, les continents et les peuples, colonisateurs au demeurant pacifiques et ne souhaitant, d’une région l’autre de la Méditerranée, que troquer, acheter et vendre. L’intérieur des terres ne les intéresse pas: ce qu’ils veulent, c’est le liseré, la plage souple, le port tranquille où leurs trirèmes pourront reposer en paix en attendant de nouveaux et de vifs départs. Qui dit commerce dit concurrence et dit extension. Les Phéniciens inventeront les Cités-Etats (Tyr, Sidon, Béryte, Byblos, villes ennemies les unes des autres) et, un jour, certains d’entre eux fonderont Carthage, sur la côte d’une Berbérie inconnue et lointaine, qui parviendra à inquiéter puis à menacer la déjà toute-puissante Rome. Carthage, mais aussi les villes en mers — désignation phénicienne du port: Mers-el-Kébir, Marsa-Matrouh, La Marsa et peut-être Marseille —, Carthagène aussi, et Cadix, et Tanger, et autres lieux de notre méditerranéenne mémoire.

 Les Phéniciens sortis de l’Histoire, les Grecs en viendront à leur tour à dominer le grand lac bleu, puis ce seront les Romains, puis les Byzantins, puis les Arabes. Tous seront fascinés par cette terre à l’Orient du monde sur qui le soleil prend appui chaque matin pour se lever dans sa tranquille gloire et gravir les échelons du vaste ciel, l’un des plus purs qui soient, capable, chaud ou frais, de traîner sa langueur ferme et fauve sur les oliveraies du rivage et les vignobles des premiers coteaux. Car, pour gagner sur la pente incultivable, il a bien fallu imaginer les espaliers dont l’invention sera pour l’agriculture aussi déterminante que l’invention de la roue pour le déplacement. Les « Libanais », depuis leur création de l’alphabet qui a permis, en ramenant les choses à leur signe abstrait, d’intensifier la communication — cette navigation de l’esprit — ont toujours été de grands imaginatifs et de très habiles communicants. Le créateur de l’alphabet, c’est Cadmôs, dont le nom signifie « Orient ». Zeus, « patriarche » des dieux, (patriarcha deorum est le surnom latin de Jupiter) avait réussi à détourner de sa belle virginité la propre soeur de Cadmôs, Europe, fille du roi de Tyr, dont le nom signifie « Occident ». Mythe stellaire et dont nous n’avons pas à nous occuper ici. Notons pourtant que c’est une fille du Liban qui aura réussi à donner leur appellation à deux immenses régions du monde, mystérieusement quoique légitimement homonymes: Eurb, « Europe » et Maghreub, le « Maghreb », deux espaces convergents à l’extrême pointe du visible où le soleil, fils de l’Orient, s’abîmera — pour reprendre au réveil et, dès l’aube, la quête-poursuite (initiatique) de sa sœur disparue.

 Il y a de l’eau au Liban, pays de neige aux portes du désert. Son nom viendrait-il de laban, le lait? Où il y a de l’eau, il y a parfois de la pluie, les nuages se formant à partir de la mer et butant de leur front bas contre les contreforts des monts. Et la pluie va donc tomber partout, arrosant l’étroite plaine côtière, ses villes aujourd’hui à terrasses blanches ou à tuiles rouges, les vergers à fruits plus ou moins exotiques et, plus haut dans la montagne, outre les pins, et là où ils se trouvent encore, les beaux, les admirables cèdres, qui ont trouvé refuge dans les plis du drapeau national, les vergers plus doux faits de pommiers, de poiriers, de pêchers, de pruniers, de cerisiers, et j’en oublie. Où il y a de la pluie, il y a aussi des fleurs et des abeilles. Ainsi se fondent les réputations: ce sera donc un pays « de lait et de miel » que le Liban.

 Les émigrants partis du Liban dès la fin du XIX° siècle sont nombreux: ils se comptent par centaines de milliers et deviendront millions plus tard, en Afrique, dans les deux Amériques, au Brésil notamment, en Australie et ailleurs. Ils fuient quoi? La pauvreté, parfois la famine, la conscription imposée par l’Empire ottoman entouré d’appétits et de menaces et qui tente de lever à partir des régions qu’il domine des armées pour se défendre, mais aussi c’est eux-mêmes qu’ils fuient dans de fiévreux rêves, et qui les importunent, de chances à saisir et de places à prendre. Ils sont bien, ces impatients, les descendants des Phéniciens évanouis. Parfois — souvent même — ils réussiront. Certains d’entre eux spectaculairement: dans le commerce, dans la construction, dans l’enseignement, dans la restauration, dans les services — quelquefois même en politique, se haussant jusqu’à des sommets de l’État. « Le Liban est un petit pays qui ne produit rien sinon des Libanais », écrivait plaisamment, au XIX° siècle, un voyageur français du Levant resté anonyme. Eh bien, soit! les Libanais, qui n’ont rien, produiront beaucoup à partir de rien. Ce n’est pas rien que rien, si l’ambition est là, et la volonté, et le rêve.

 Petit, tout petit pays que le Liban. La superficie de deux départements français — et cinq mille ans d’histoire connue. C’est l’un de ces rares endroits du monde à avoir une histoire bien plus grande que lui et l’ombre de son arbre-symbole couvre une étendue morale qui le dépasse et le déborde de partout. Pays-montagne, longtemps abrupt et sauvage, si, en revanche, la plaine côtière et la haute plaine de la Békaa de l’autre côté du mont vers l’Orient et l’intérieur des terres, ont toujours été agréées, habitées, avec des bourgs, des villages et des villes. Pays-montagne, pays-labyrinthe, ai-je dit. Avec des falaises redoutables, des déchirures violentes de la terre, des grottes et des altitudes inaccessibles ou qui l’ont été pendant des siècles, voire des millénaires: les hommes de la côte ou de la haute plaine ont évité le plus souvent de s’y aventurer. Du coup, au fil de l’Histoire, ce sont tous les minoritaires, tous les réfractaires, tous les persécutés de cette Asie mineure riche depuis toujours d’idées et de nuances d’idées, de potentats de tout poil, d’autocrates amis des dieux ou de Dieu et les représentant ici-bas, Asie féconde en absolus opposables et en exclusivismes intransigeants, ce sont tous ceux-là — que Byzance n’aime pas ou que Damas n’apprécie guère, ou bien c’est Bagdad ou Istanbul la capitale malveillante —, oui, ce sont tous ces têtus, ces « hérétiques », ces ennemis de la foi majoritaire et de la pensée unique qui vont prendre, de siècle en siècle, les mille chemins du Liban, au nez et à la barbe des autorités officielles, se glissant dans ses profonds gouffres, se hissant jusqu’à ses escarpements et ses nids d’aigle, pour y construire leurs villages plus ou moins fortifiés, pour y poursuivre leur mode de vie et pratiquer leurs mœurs, pour y attester leur credo et bâtir autour de leurs croyances leurs lieux de culte — parfois, comme cela s’est produit dans la vallée sainte de la Kadisha, lieux troglodytes où sont parvenus à se lover églises et monastères. Ainsi sont arrivés au Liban, tour à tour ou bien en vrac et simultanément, fuyant des pouvoirs d’essence contradictoire, les Maronites, les Grecs-Catholiques, les Druzes, les Chiites, d’autres aussi: dix-sept confessions en tout pour un peu plus de dix mille kilomètres carrés de sol, dix mille quatre cent cinquante deux exactement. A la tête de ces réfugiés bientôt maîtres de la terre, chacun dans son enclave et son sillon, le Patriarche, le Cheikh, le Mufti, le « moqaddem » qui, lui, agit militairement pour frayer la route en « éclaireur » (ce que le nom de sa fonction indique) et trouver la place la plus sûre et la mieux défendable, le paysage le plus juste pour tous ces déracinés-poètes, bientôt réenracinés dans un chez soi qu’ils modèleront à leur image, croix par-ci, croissant par-là. Car ce qu’on oublie quelquefois de dire ou même de savoir, c’est que les Sunnites aux-mêmes, je parle de ceux du Liban, auront été, à l’origine, des rebelles: les Arabes n’aimant ni la montagne ni la mer, le premier calife ommeyade, Mo’awiya, au VII° siècle, aura affaire à un soulèvement de deux de ses régiments. Pour les punir, il les contraindra à traverser la redoutable montagne et à s’installer sur la côte libanaise, face à la mer honnie, où vivaient depuis les temps premiers les descendants des Phéniciens, puis des Grecs, des Romains, des Byzantins. Ainsi se fit l’un des plus grands brassages d’ethnies sur qui reposent la légitimité humaniste du Liban et, pourquoi ne pas le dire? Sa projection symbolique dans l’avenir.

 Ces communautés libanaises, toutes minoritaires au départ, serreront leurs rangs face à de grands environnements souvent hostiles et qui travailleront à les diviser. Il y aura des frictions, des dissensions et même des guerres entre ces groupes sociaux que tout invitait à s’entendre. Ils finiront pourtant par répondre à l’appel de leurs histoires parallèles et toutefois convergentes à la manière des parallèles de la géométrie post-einsteinienne. Ils inventeront, sur le plan de la communauté nationale unifiée, le vouloir-vivre ensemble en usant de toutes les précautions des vieilles sociétés humaines. « Le pays des longues prudences », c’est ainsi qu’il m’est arrivé de définir une fois le Liban. J’ai dit qu’il fallait qu’il s’y tienne, que c’était là sa formule d’exister, son art d’équilibrer sa part du sol et sa part du ciel. Ainsi, par nécessité, les Libanais s’inventeront une laïcité et une démocratie à leur mesure et selon leur style propre, laïcité et démocratie paradoxalement claniques et pourtant tout en raffinements et en nuances. Décidément, oui, le Liban est un petit pays qui ne produit pas seulement des paysages de lumière, mais qui produit aussi, parce qu’il en a besoin pour vivre et pour survivre, des Libanais.

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