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Invité à l’hommage aux éditions Fata Morgana Sète 6/3/15

Fata Morgana, un goût du livre

50 ans de dialogue avec auteurs et artistes
7 mars – 24 mai 2015
Du 7 mars au 24 mai 2015, le musée Paul Valéry présente l’exposition FATA MORGANA, UN GOÛT DU LIVRE, qui allie à la littérature la bibliophilie et les Arts plastiques.

Durant 50 ans, sous la direction de Bruno Roy, la maison d’édition Fata Morgana a maintenu vivant le fil d’un dialogue à trois entre artiste, écrivain et éditeur. Depuis le premier ouvrage paru en 1965, près de 1500 livres ont été publiés, dont plus de 250 exemplaires seront présentés aux côtés de manuscrits et de nombreuses œuvres des quelque 90 artistes qui ont collaboré à ces publications.

Fata Morgana est fortement attachée à son indépendance, garantie de sa singularité. Aux deux jeunes fondateurs, Claude Féraud et Bruno Roy, réunis derrière l’emblème alchimique de la sirène à double queue, s’ajoutent dès l’année suivante Jean-Pierre Clerc et le peintre Alain Clément. A partir de 1971, Bruno Roy assume désormais seul la direction de la maison d’édition avec l’aide de son épouse Marijo. Ils seront rejoints au début des années 2000 par David Massabuau, qui dirige aujourd’hui conjointement Fata Morgana avec Bruno Roy.

Placée d’abord sous les auspices du surréalisme, d’André Breton, de Michel Leiris et des auteurs de la revue du Grand Jeu, Fata Morgana semble farouchement refuser toute rationalité et vouer un culte au divers. Ainsi se côtoient Emmanuel Levinas, si abondamment publié, et Henri Michaux, figure tutélaire, dont la disparition a pu même remettre en cause l’existence de la maison d’édition en 1984 ; Odysseas Elytis, poète et Prix Nobel, et Pierre Michon ; Richard Millet et Luis Cernuda ou Lokenath Bhattacharya.

En réalité, par ses rejets ou ses appétences, la figure de l’éditeur tient chez Fata Morgana une place centrale. Pour une ou plusieurs publications, il rend possible l’œuvre commune que suggèrent des parentés spirituelles, mais que les conditions matérielles rendent impossibles : Roger Caillois s’associe ainsi à Max Ernst, Roger Gilbert-Lecomte à Joseph Sima, Tristan Tzara à Jacques Hérold. Son goût lui donne surtout la capacité de révéler des fraternités plus secrètes, qui rapprochent Maurice Blanchot de Bram Van Velde, Edmond Jabès d’Antoni Tàpies, Pierre Alechinsky, avec qui les collaborations, initiées en 1968, ont été les plus fécondes, d’Emile Cioran, Victor Segalen d’André Masson, ou bien encore de Jean-Gilles Badaire, André du Bouchet de Jean Capdeville, Buffon de Dado, Jean-Luc Parant de Jean Dubuffet, Alfred Jarry de Reinhoud, Marwan Hoss de Pierre Soulages, Philippe Jaccottet de Pierre Tal Coat, tous présentés dans le parcours de l’exposition.

Chez Fata Morgana, le livre résulte d’une recherche sans cesse renouvelée de la rareté, orientée par la fidélité à un idéal énoncé dès l’ouverture du premier catalogue publié en 1968 : « Nous voudrions que règne entre le texte, la gravure et la typographie une unité transparente qui fasse de nos publications de vrais objets de poésie ». Satisfaisant aux exigences du bibliophile averti, le livre est fabriqué pour que sa valeur spirituelle ne puisse être dissociée de sa matérialité même, qui implique une forme de communion de tous les sens dans leur exercice simultané. Sans doute la présentation de l’œuvre commune de Michel Butor et de Pierre Alechinsky, Le Rêve de l’ammonite (1975), considérée par Bruno Roy comme le chef-d’œuvre du catalogue, permet-elle de cerner au mieux cet idéal.

Signature à Bruxelles le 21/02/15

Bruxelles le samedi 21 février 2015

Rencontre / Signature à la librairie Quartiers Latins

invitationbelgique

Présentation du livre par l’éditeur (Robert-Laffont)

L’EXTRAVAGANCE
Mémoires

Salah STÉTIÉ

Les Mémoires de l’un de nos plus grands écrivains contemporains.
Son livre traverse plus d’un demi-siècle de vie littéraire et politique, française et méditerranéenne.

​Écrivain et poète de réputation internationale, amateur d’art, homme d’action et diplomate – « ambassadeur d’un incendie », résume-t-il en pensant à sa terre du Liban, qu’il a représentée en France, en Hollande et au Maroc –, Salah Stétié est issu de deux civilisations matrices de plusieurs cultures. L’une méditerranéenne et orientale ; l’autre française et occidentale. Libanais par son origine, il s’est senti français très jeune par la pratique d’une langue apprise dans les meilleures universités de Beyrouth et de Paris. Dès lors, il s’est lié, sur chacune de ces rives, aux plus grands poètes des années 1950 et 1960 : d’un côté, Georges Schehadé et Adonis ; de l’autre, Pierre Jean Jouve, René Char, Yves Bonnefoy, André Du Bouchet, Édouard Glissant…
Ses Mémoires livrent un témoignage puissant et lumineux sur un demi-siècle d’histoire politique, les personnages prépondérants qu’il a côtoyés dans les domaines artistique et littéraire, comme les pays et les êtres qui l’ont marqué et accompagné. De Gaulle est l’un des héros de ce récit.
L’ouvrage est porté par un style ample, voluptueux, parfois mordant et ironique, à la hauteur de cette épopée intime ou se mêlent les peuples et les continents, les plus grands créateurs et les derniers géants de l’histoire, la tragédie des guerres les plus dévastatrices et les rêves de fraternité les plus exaltants, les bonheurs de l’enfance et les épreuves du temps.
C’est bien un sentiment d’extravagance qu’inspirent à Salah Stétié à la fois l’histoire de sa destinée et le spectacle du monde.

Questionnaire de Proust 05/02/15

L’Orient Littéraire 05 février 2015

questionnaire_originalQuestionnaire de Proust à…

Salah Stétié
2015-02-05

Poète et essayiste libanais vivant en France, Salah Stétié est né à Beyrouth en 1929. Diplomate longtemps en poste à Paris, secrétaire général du ministère libanais des affaires étrangères, ancien délégué permanent du Liban auprès de l’Unesco, il a fondé en 1955 L’Orient Littéraire et a collaboré aux principales revues de création littéraire et poétique en France, dont Les Lettres Nouvelles, Le Mercure de France, La Nouvelle Revue Française… Il a obtenu en 1995 le Grand Prix de la Francophonie décerné par l’Académie française. Son autobiographie, L’Extravagance, est sortie en septembre dernier aux éditions Robert Laffont.

Quel est le principal trait de votre caractère ?

L’ouverture à l’autre.

Votre qualité préférée chez une femme ?

La volonté d’être.

Qu’appréciez-vous le plus chez vos amis ?

La discrétion.

Votre principal défaut ?

L’impatience.

Votre occupation préférée ?

Écrire.

Votre rêve de bonheur ?

Écrire en aimant.

Quel serait votre plus grand malheur ?

Cesser d’aimer.

Ce que vous voudriez être ?

Ce que je suis, en mieux, autrement dit en plus.

Le pays où vous désireriez vivre ?

Le mien, s’il existait.

Votre couleur préférée ?

La huitième.

La fleur que vous aimez ?

Le lis noctiflore.

L’oiseau que vous préférez ?

Le colibri.

Vos auteurs favoris en prose ?

Montaigne, Pascal, Flaubert, Jouve.

Vos poètes préférés ?

Villon, Djelal-Eddine Roumi, Rimbaud, Al-Mutanabbi, Mallarmé, Claudel.

Vos héros dans la fiction ?

Les ambigus.

Vos compositeurs préférés ?

Bach, Vivaldi, Mozart, Mahler.

Vos peintres favoris ?

Tous ceux avec qui j’ai travaillé, plus Vermeer.

Vos héros dans la vie réelle ?

Les ambigus.

Vos prénoms favoris ?

Les moins voyants.

Ce que vous détestez par-dessus tout ?

La goinfrerie.

Les caractères historiques que vous détestez le plus ?

Les politiques de violences.

Le fait militaire que vous admirez le plus ?

Aucun.

La réforme que vous estimez le plus ?

Celle qui donne la sécurité économique aux pauvres.

L’état présent de votre esprit ?

Mélancolique.

Comment aimeriez-vous mourir ?

Par hasard.

Le don de la nature que vous aimeriez avoir ?

La séduction physique (aussi).

Les fautes qui vous inspirent le plus d’indulgence ?

Les fautes d’orthographe chez les enfants (et les gendarmes).

Votre devise ?

« Passer outre ».

Participe au colloque « Poètes en guerre », BNU de Strasbourg 29/01/15

Colloque international

29-31 janvier 2015 – Auditorium de la BNU

Entrée libre dans la limite des places disponibles

organisé par la Bibliothèque nationale et universitaire et la Faculté des lettres de l’Université de Strasbourg, avec le soutien du Consulat général de Russie.

lyreguerre

 

Programme

29 janvier : Première journée

13.30 – 14.00 : Ouverture du colloque par :

Albert Poirot, administrateur de la BNU
Michel Deneken, 1er vice – président de l’Université  de Strasbourg
Béatrice Guion, directrice de l’Equipe d’Accueil « Configuration Littéraire »

14.00 – 15.00 : Des poètes et la guerre : table ronde
Animée par  Jean-Yves Masson (poète et traducteur, professeur de littérature comparée à l’Université Paris 4)
Avec la participation de : Salah Stétié, poète et diplomate libanais ; Stephen Romer, poète et traducteur anglais ; Michèle Finck, poéte et traductrice française ; Olga Sedakova, poéte et traductrice russe  
 
15.00  – 17.30 : Poésie et guerre : regards croisés  
Présidé par Jean-Noël Grandhomme (Université de Strasbourg)
Nicolas Beaupré (Université de Clermont-Ferrand) : « Au front : littérature et poésie combattante de la Grande Guerre »
Olivier Henri Bonnerot (Université de Strasbourg) : « Ceux qui tiraient dans les étoiles… »
Jean-Pierre Rioux (historien, inspecteur général honoraire de l’Education Nationale) : « Eté 14 : Péguy en pantalon rouge »
Pause
 
18.00 : visite guidée de l’exposition 1914, la mort des poètes à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, en compagnie de ses commissaires Julien Collonges, Jérôme Schweitzer et Tatiana Victoroff 
 
20.00 : soirée poétique « La bataille de partout : les poètes face à la violence de l’Histoire »  (salle Pasteur, Palais universitaire).
Entrée libre dans la limite des places disponibles. 
 

30 janvier : Deuxième journée 

10.00 – 12.30 : Poètes en dialogue : Péguy, Stadler, Owen
Présidé par Xavier Hanotte (Ecrivain et traducteur)
Maryse Staiber (Université de Strasbourg) : « De Péguy à Stadler : un cas de transfert culturel dans l’Europe d’avant-guerre »
Jennifer Kilgore-Caradec (Université de Caen) : « Blessures profondes dans l’œuvre de Péguy, Stadler et Owen »
Charles Fichter (germaniste, professeur agrégé) : « Stadler, Péguy et la guerre »

14.00 – 18.00 : Dialogue entre les arts et la  guerre
Présidé par frère Remy Vallejo (centre Emmanuel Mounier)
Maurice Godé (professeur émérite de l’Université de Montpellier) : « Les poètes et la Grande Guerre dans les revues expressionnistes allemandes Der Sturm, Die Aktion et Die Weißen Blätter  »
Sophie Aymes-Stokes (Université de Bourgogne) et Brigitte Friant-Kessler (Université de Valenciennes) : « Entre traces et mémoire : illustrer la poésie de la Grande Guerre »
Tatiana Victoroff (Université de Strasbourg) : « Mystère et guerre. Charles Péguy et Richard Brunck de Freundeck »
Gilles Couderc (Université de Caen) : « Wilfred Owen, poète de guerre : la construction du mythe dans les arts »
Franck Knoery (Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg) : « La blessure et la chute. Une iconographie du héros de guerre dans les arts graphiques, autour du premier conflit mondial »

19. 30 : soirée poétique au Consulat de Russie à Strasbourg : lecture par Olga Sedakova de ses poèmes (en russe et en français).
Dans la limite des places disponibles, inscription obligatoire : vanessa.brosius@gmail.com ou tél : 06 61 82 40 48

 

31 janvier : Troisième journée 

9.00 – 13.00   Mort(s) symbolique(s) : postérités des poètes
Présidé par  Jérôme Roger (Université de Bordeaux)
Anne Mounic (Université Paris 3) : « Poètes de la Grande Guerre : le germe d’une pensée du singulier »
Yann Tholoniat (Université de Lorraine) : « Du corps poétique au corps politique dans les poèmes anglais de la Grande Guerre (Brooke, Sassoon, Owen) « 
Claire Daudin (Association L’Amitié Charles Péguy) : « La mise en récit de la mort de Péguy (Barrès, Bernanos, Geoffrey Hill) »
Géraldi Leroy (professeur émérite de l’Université d’Orléans) : « Péguy, « définition exacte » du patriotisme »
Tatiana Taimanova (Université de Saint-Pétersbourg) :  » Péguy sur la toile russe en 2014″
 
14.00-16.00 : Postérités et traductions : table ronde
Animée par Maryse Staiber (Université de Strasbourg) et Anne Mounic (Université Paris 3)
Avec la participation de : Xavier Hanotte (écrivain et traducteur d’Owen en français), Philippe Abry (traducteur de Stadler), Maurice Godé (professeur émérite de l’Université de Montpellier),  Elizaveta Legenkova et Liudmila Chvedova (traductrices de Péguy en russe), Daniel Aranjo (Université de Toulon).

Entretien avec Leili Anvar et Frédéric Lenoir, France Culture 08/01/15

Un poète dans un siècle tourmenté avec Salah Stétié

racines du ciel

11.01.2015 – 07:05 – Entretien enregistré avant les attentats perpétrés contre l’agent de police Clarissa Jean-Philippe et celui de l’Hypercasher de la Porte de Vincennes.

En raison des événements tragiques que nous vivons, Les Racines du Ciel ont décidé de changer le programme de ce dimanche 11 janvier. Comme nous avons rencontré Salah Stétié ce jeudi 8 janvier, grande figure intellectuelle qui s’est toujours engagé contre toutes les formes de fanatisme, nous lui avons demandé de réagir comme intellectuel et ancien ambassadeur du Liban, comme homme de culture qui a consacré plusieurs ouvrages à l’islam spirituel, comme amoureux de la France aussi,  au drame qui se déroule en ce moment même dans notre pays.

Ecrivain et poète de réputation internationale, homme d’action et diplomate, Salah Stétié est un intellectuel d’origine libanaise et de culture musulmane, devenu une figure incontournable de la poésie de langue française. Ses mémoires, L’extravagance (Robert Laffont), retracent son parcours exceptionnel, ses passions, ses combats et ses engagements.

Hommage à Julien Weiss

Julien vers les Oiseaux

j1 Je viens de perdre un ami qui m’était cher. Julien Bernard Jalaleddin Weiss, qui vient de mourir d’une très cruelle maladie, supportée courageusement et dans l’espoir de la vaincre, a été un grand musicien d’une singularité et d’une originalité sans pareilles. Plutôt que de se réaliser dans la seule musique occidentale, comme tant d’autres exceptionnellement doués, il a choisi l’aventure de l’expatriation. Il est allé vers l’Orient, l’Orient classique des musiques traditionnelles mais qui, avant lui, avaient été trahies et déformées par des surcharges qui étaient autant d’amputations et d’abaissements. Ces musiques, avec les instruments qui les portaient et les musiciens susceptibles de les jouer et de les chanter, il est allé les chercher un à un à leur source même, en Syrie et dans tous les pays voisins et, pour mieux faire encore, il a pendant une quinzaine d’années, choisi de vivre dans ce centre exceptionnel du rayonnement créateur de la musique soufie que fut Alep avant la tragédie actuelle et ses ruines accumulées. Julien Jalaleddin Weiss, avec les siens, nous a restitué, a restitué à l’Islam, mais aussi à l’oreille occidentale la plus raffinée, les sons et les chants de la très haute invention musicale qui fut, de Perse en Iraq, d’Iraq en Syrie et de Syrie en Turquie remontant jusqu’à Constantinople, les trésors des siècles inspirés. Il devint le témoin et la référence absolue dans ce domaine.
Ses concerts étaient sollicités dans le monde entier et applaudis partout.
S’il chante désormais, c’est avec les oiseaux spirituels que l’immense poète Attâr a réunis dans sa merveilleuse Conférence.
Salah Stétié

Lucie Cauwe « Les extravagants mémoires de Salah Stétié » 9/12/14

Les extravagants mémoires de Salah Stétié

par Lucie Cauwe

LC1Il a l’air d’un bon-papa gâteau avec ses yeux pétillants de malice et son sourire communicatif. Il est à la fois diplomate, écrivain et poète. Ou écrivain, poète et diplomate. Ou poète, diplomate et écrivain.
Qui est donc cet homme? C’est Salah Stétié, un Franco-Libanais né à Beyrouth fin 1928 dans une vieille famille de la ville. Il publie ses formidables mémoires sous un titre très intéressant, car ouvrant grand les fenêtres, « L’extravagance » (Robert Laffont, 644 pages).

La définition d’« extravagance » du dictionnaire Le Robert correspond assez mal à ce qu’on lit dans ce passionnant récit autobiographique, portant remarquablement son titre. Elle dit: « Etat d’une personne qui n’a pas le sens commun ». Ah, le pouvoir mutilant de la négation. « C’est moi qui ai trouvé le titre », m’explique Salah Stétié. « J’ai toujours pensé que toute la vie était extravagante. L’univers est un délire cosmique, avec des mystères sans cesse plus compliqués. Le mot « extravagance » s’est imposé à moi. Nous vivons sans le savoir en essayant de nous protéger par des croyances ou des cultures. Il y a un mystère infini du langage et de l’esprit. L’autre sens du mot « extravagance », je l’ai piqué à Madame de Sévigné, cette idée d’une forme de liberté de la plume qu’on laisse filer comme elle le veut, sans la corseter. »

LC2Ecrire en liberté, c’est bien ce qu’a fait l’ambassadeur-écrivain dans cet ouvrage prenant, que l’on soit amateur de politique, de littérature, ou que l’on ne le soit pas. Quel itinéraire! Qu’il soit remercié de nous le faire partager en nous racontant le monde qu’il a vu, le monde à la création duquel il a participé. Pour ses mémoires, Salah Stétié a confié sa vie à son œuvre, tout en sachant que la mémoire est une illusion. « Je voulais raconter l’histoire du monde à travers des choses personnelles et des choses du monde à travers la politique et la poésie, car j’ai deux cordes à mon arc. »  On parcourt avec appétit cet itinéraire entre deux rives, entre deux langues et entre deux civilisations.

« Ce livre de mémoires est né d’une pression de l’éditeur », ajoute Salah Stétié. « Mais pour écrire un livre de mémoires, il faut trois choses:
1. avoir beaucoup vécu
2. avoir vécu des circonstances parfois extraordinaires, en bien ou en mal
3. que quelqu’un vous dise qu’il a besoin de vos mémoires. » 
Conditions assurément remplies dans son cas.

Comment s’est-il attelé à cette tâche? « Je me suis installé à ma table de travail », me répond-il. « Et j’ai écrit, chapitre par chapitre, au fil de la mémoire, ce lac profond, cette mer dangereuse, car ce qu’on rapporte de la mémoire, ce sont des choses qu’on aurait voulu oublier et qui ressurgissent de manière terrifiante. Par exemple, l’incendie de la maison familiale quand j’avais un an. Est-ce un vrai souvenir ou pas? On me l’a tellement raconté que tout s’est imprimé quand j’étais en âge de comprendre. Il y a aussi des choses si redoutables que je n’ai pas voulu les raconter, mais elles se retrouvent sous forme allégorique dans mes livres de poésie. Il faut se protéger soi-même par une vie intérieure intense. Mon livre est une longue confession, ce qui est une forme de psychanalyse, avec le risque de se noyer dans sa propre mémoire. » 

On découvre une enfance heureuse, une jeunesse heureuse, berceaux d’une vie qui se déroule comme un conte, avec des allers-retours dans le temps et des choix thématiques clairs. « L’âge adulte m’a vu entrer dans la diplomatie, une diplomatie qui a été très vite de combat, en raison des causes dans lesquelles je me trouvais engagé. La cause palestinienne par exemple, car les Palestiniens étaient présents dans mon pays, le Liban. C’est la cause libano-palestinienne qui m’a poussé à être diplomate. Je l’ai défendue dans la mesure de mes possibilités avant de défendre ensuite la cause libanaise qui est celle de mon pays. J’ai toujours travaillé avec les armes de la diplomatie, des armes pacifiques. »

« L’extravagance » raconte avec force et enthousiasme l’ambassadeur en mission dans différents pays, l’homme qui fait des rencontres extraordinaires, l’écrivain, le poète, né dans une famille qui aime la poésie, le lecteur qui commença sa vie avec les livres par des bandes dessinées, le journaliste. Et bien sûr l’ami des artistes, créateurs de poésie, de théâtre, de peinture ou de musique contemporaine. Une vie de passions, d’amitiés partagées et d’amour, reçu et donné par cet homme qui se présente comme un fondateur, à l’âme d’entrepreneur. « Le livre est positif », assume Salah Stétié. « C’est mon caractère. L’essentiel est le besoin de créer. J’ai rempli ma vie de livres. J’ai toujours été très lié à la création contemporaine avec des poètes, avec la « Revue des Lettres nouvelles », avec des grands peintres dont Pierre Alechinsky. »

Deux autres livres de Salah Stétié viennent de sortir chez Fata Morgana, LC3« L’être », un recueil de poèmes, et LC4« Le chat couleur », un recueil de nouvelles.
« Je suis un auteur qui reçoit beaucoup de lettres de lecteurs », conclut l’écrivain.
« Cela forme une grande armée pacifique d’amateurs de poésie, de guetteurs de sens. Je suis à cheval sur deux mondes, celui de ma profession de diplomate qui n’est pas une science mais un art, et sur la création.
Tant que j’aurai la force de respirer, j’aurai la force de créer. »

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